Abstract
"Born in fiction"
Extracts from Chloé Delaume's interview with Thierry Guichard[1] conducted on 5 November 2014 during the "S'écrire par-delà le papier" study day.
(Université Paul-Valéry-Montpellier III, site Saint-Charles)
Transcribed by Annie Pibarot and Florence Thérond
Keywords
Chloé Delaume, Thierry Guichard
« Naître dans la fiction »
Extraits de l’entretien de Chloé Delaume avec Thierry Guichard[1] réalisé le 5 novembre 2014 lors de la journée d’étude « S’écrire par-delà le papier ».
(Université Paul-Valéry-Montpellier III, site Saint-Charles)
Transcrits par Annie Pibarot et Florence Thérond
TG
Nous allons dans un premier temps reprendre la question de l’autofiction. Pourquoi l’autofiction ? Je voudrais, pour expliquer le rapport entre la biographie et l’écriture tel que je le perçois, qu’on revienne sur la biographie ou plutôt sur l’antébiographie, celle de Nathalie Abdallah ou Nathalie Dalain. Et je voudrais revenir là-dessus parce qu’on a beaucoup insisté sur le mois de juin 1983, où a lieu ce fait, qui serait comme un fait divers pour les autres et qui est un drame pour toi. Il me semble qu’avant cela, il y a quand même des indices qui indiquent l’impossibilité de faire autre chose que de l’autofiction. Ces indices sont ceux-ci, que je vais énumérer de manière un peu brutale pour aller vite : tu nais à Versailles mais tu n’es pas Versaillaise, tu nais à Versailles parce que ta mère vient accoucher en France, alors qu’elle vivait à Beyrouth, donc déjà une ville natale qui ne correspond à rien. Deux ans plus tard, tu connaîtras la guerre civile dans un pays qui se déchire, qui perd son identité. Tu retournes en France au moment où l’immeuble dans lequel vous habitez perd sa façade après un bombardement. On peut imaginer ce que c’est que de vivre dans une maison menacée, où tout à coup un mur entier tombe à cause d’une bombe. Cela doit être un peu déstabilisant. La famille arrive en France et là il y a déjà un gros mensonge qui va être fait, c’est-à-dire que la mère, qui est enseignante, a honte de l’origine libanaise du père et fait passer le père pour un Niçois.
Chloé
Un Marseillais.
TG
Un Marseillais, enfin quelqu’un du Sud de la France, et même son prénom va changer. Il va devenir Sylvain.
Chloé
Sylvain à la place de Selim dans la naturalisation.
TG
Tout à coup le père change de nom, change d’origine, donc il y a déjà un mensonge qui se fait avant le drame.
Chloé
Il y a une fiction dès le début. Il n’y a pas de rapport. L’identité ne peut pas… un nom ça ne veut rien dire. Un nom, ce n’est pas là que ça se passe.
TG
Le pays non plus. Après le drame de 83, tu te retrouves dans la famille de ton oncle et ta tante, qui veulent faire croire que tu es une fille de ce couple.
Chloé
Ils veulent être appelés papa et maman pour des raisons de conventions sociales. Oui bien-sûr. C’est vrai. Tu as raison.
TG
Et moi, ce qu’il me semble, c’est que sur ce terreau-là, qui est très friable, tout à coup, les mots n’ont plus de sens. Je remarque que dans tous tes livres, il y a énormément de questionnements du lexique. On y trouve plusieurs fois Le Petit Robert, des définitions de mots, des périodes sur un mot pour trouver les définitions qu’il peut avoir. Donc tout à coup, j’avais l’impression que, pour toi, la littérature était le lieu où enfin quelque chose pouvait être stable et c’était le lexique.
Chloé
Oui, le Petit Robert était le seul à être gardien de la vérité. Il y avait vraiment quelque chose. C’était sacré, il allait y avoir une mise à jour annuelle. C’est un référent qui est premier et intouchable.
TG
Et pour finir sur la question de l’autofiction : tout à l’heure tu évoquais Christine Angot, Camille Laurens et d’autres. Moi, il me semble que tu n’es pas du tout dans l’autofiction en réalité, dans la mesure où il me semble que Christine Angot – et on l’a vu avec Quitter la ville par exemple – a fait d’elle-même un personnage de roman. Tu as cité Vu du ciel, où Christine Angot n’apparaît que comme étant la personne que protège un ange-gardien qui est le narrateur du livre, mais, très vite, Christine Angot devient le personnage de ses romans. Donc, dans son cas, c’est quelqu’un de réel qui devient le personnage de ses romans. Alors qu’il me semble que, chez toi, Chloé Delaume va naître dans la fiction, va naître dans l’écriture, dans le lexique et donc ce n’est pas du tout un personnage réel qui devient fiction, mais c’est un personnage de fiction qui devient tout à coup personnage réel.
Chloé
En fait je provoque les événements, c’est-à-dire, qu’il y a les premiers livres qui vont parler du drame de l’enfance… mais, de toutes façons, tout le monde, sous une forme ou une autre, revient toujours sur son enfance quand il veut écrire. Mais là c’est du subi, ce sont des choses subies qui vont être redistribuées en fictions. Mais les trois quarts des autres livres après, ce sont des expériences où je me force. Je me force à aller chercher dans le réel une expérience que je vais restituer, où je suis le cobaye. Donc, c’est vrai que là-dessus, c’est un peu différent.
TG
Oui, c’est par exemple J’habite dans la télévision.
Chloé
Oui … Mais même dans Dans ma maison sous terre le dispositif du cimetière est forcé. Mais ce ne doit pas être le seul…
TG
Dans Dans ma maison sous terre toutefois, ce qui déclenche l’écriture du livre, si on prend ce déclenchement pour réel, c’est la naissance de Chloé Delaume, due à la mort des parents de Nathalie Dalain et notamment du père. Et on n’a pas encore parlé de l’oncle qui vit en prison en France depuis …
Chloé
Cela fait 30 ans.
TG
Si je laisse tomber Nathalie Abdallah et Nathalie Dalain, si je considère la naissance de Chloé Delaume avec le XXIème siècle qui arrive, cette naissance tout à coup est mise en péril par l’annonce, via une cousine, que la grand-mère aurait dit que le père n’était pas le père.
Chloé
C’est pour cela que je veux la tuer dans Dans ma maison sous terre. On est en 2009, je suis toute contente : c’est bon, j’ai mon identité, je commence à avoir même une petite biblio un peu sérieuse et puis effectivement surgit ma cousine que je n’ai pas vue depuis des calendes et qui m’explique qu’en fait ma grand-mère a avoué. Il faut absolument qu’on me prévienne, que mon père n’était pas mon père. J’ai construit mon identité sur une idée de vengeance. Qui ne le ferait pas ? Quand j’ai eu le prix Décembre, j’ai hurlé dans les toilettes « j’ai niqué papa ». Tout le monde était mort de rire ; moi j’étais très sérieuse et l’identité Chloé Delaume, elle est là. C’est aussi que je ne me sois pas pris un coup de la cervelle du père pour rien dans la figure ; et au bout du compte on m’explique que ce n’était pas mon père… En plus de la terreur que j’avais déjà gamine dans la vraie vie – le décès parental, mon oncle terroriste libanais en prison – la terreur de passer pour une mythomane… Certains ont commencé sur les forums internet, voire dans Wikipedia, à réclamer des références pour la mort des parents. Il aurait fallu que je présente l’acte de décès pour avoir la paix. On a déjà une image du père aussi compliquée que celle-là : il était vraiment schizophrène. Il faut passer 24 ans pour être sûre d’y échapper quand c’est d’ordre de transmission. Moi, jusqu’à mes 24 ans, j’étais terrifiée à l’idée d’en hériter vraiment. En fait, je suis bipolaire, c’est déjà beaucoup … et se dire d’un seul coup « le père c’est pas le père » : quand est-ce que ça s’arrête ? Et tout ça pour ça : en fait ma grand-mère avait baratiné juste pour le plaisir que je vienne la voir. C’est pour cela aussi que je préfère provoquer plutôt que de mener l’enquête…
TG
Enfin on comprend quand même la nécessité de naître dans la fiction, dans le récit en tout cas, et que ce récit-là repose sur le lexique. Le lexique est important. Or il me semble qu’il y a une ambiguïté qui va être apparente dans les trois premiers livres et surtout dans l’écriture, c’est que si le lexique est important, dès qu’on écrit, il faut autre chose que le lexique, il faut de la syntaxe, il faut un rythme. Et chez toi assez rapidement c’est l’alexandrin qui surgit ou l’octosyllabe. Or si ce que tu m’as dit il y a quelques années est juste, l’octosyllabe et l’accent grave étaient une manière que ta mère avait de te faire travailler pour avoir la paix.
Chloé
Enfant, je ne savais pas dessiner, j’étais très bavarde, j’étais pénible. Je pense qu’elle voulait corriger les copies, tranquille.
TG
Et donc finalement, dans cette auto-gestation, cette manière de naître à soi-même par l’écriture, il y a quand même une trace génétique, qui est là, qui n’est pas forcément celle de la biographie mais qui est la langue. Alors je voudrais savoir par rapport aux trois premiers livres, qui me semblent vraiment travaillés au forceps, quel travail tu as fait pour accoucher d’une langue qui soit la tienne et pas celle héritée de la mère.
Chloé
Je ne sais pas…
TG
Est-ce que par exemple il y a eu des contraintes que tu te donnais ?
Chloé
Ah, ça oui !
TG
Je pense à Georges Perec par exemple. Quand il écrit la disparition sans la lettre E, c’est aussi par rapport à son histoire personnelle.
Chloé
C’est sûr, les contraintes, au début, c’était plus pour me forcer à un exercice toute seule… c’était des trucs fous quelquefois, c’était aussi parce que je me sentais seule : prendre une édition d’un poème de Rimbaud dont le titre va faire écho avec le paragraphe – des choses que personne ne voit – prendre tous les mots qui sont avec astérisque dans un texte, les mots qui sont les moins connus. « Barcarole » entre autres… Sinon après ce sont des contraintes qui vont être par exemple des listings de mots. Quelquefois, je me fais aussi des playlists que j’écoute, qui sont liées à ce que je veux provoquer émotionnellement par rapport au chapitre en cours et donc quelquefois il y a des parasitages que je me force à faire. Mais ce n’est pas obligatoire. C’est comme si les ateliers formels pouvaient permettre aussi un détachement total de l’émotivité de la langue, pour éviter de laisser couler quelque chose qui serait trop biologique. C’est aussi l’héritage des formalistes. Moi, ce qui m’a vraiment intéressée, un peu moins avec l’âge, ce sont les idées de contraintes et d’atelier. Je sais que ce qui m’avait le plus agacée en « début de carrière », c’était l’expression « écriture automatique ». Je hais les surréalistes, je suis complètement chez les pataphysiciens (ou alors on passe chez les Viennois ou chez Dada, mais là on est dans du politique). Je n’ai pas du tout un rapport au rêve. Je n’ai pas un inconscient de névrosée, puisque je suis psychotique. Ces choses-là ne me parlent pas et l’écriture automatique, étant donnée la difficulté que c’est pour retravailler les phrases, c’est vraiment tout le contraire de ce que je recherche. Comment fait-on pour mettre de la raison dans l’évocation. C’est peut-être un peu difficile à expliquer. Je parle d’une sorte de geste technique qui va empêcher le lyrisme dégoulinant. Cela avait des côtés dramatiques quand j’étais plus jeune, le côté « les organes fumants sur la table » !
TG
Oui ce sont les rives du fleuve qui permettent à l’eau de couler.
Chloé
Oui, je m’interdis le champ lexical de l’intestin dégoulinant. Par contre, je vais me forcer à mettre de la pierre. C’est par mesure de précaution.
TG
En tout cas l’écriture va petit à petit aller vers plus de fluidité me semble-t-il, notamment avec Dans ma maison sous terre, qui me semble être le plus fluide avec le dernier en date. On a parlé de la collection chez Joca Seria ; mais tu avais commencé avant, chez Léo Scheer, à faire de l’édition avec toujours un leitmotiv qui était de faire entendre des voix nouvelles, des jeunes etc. Cet engagement-là que tu as placé dans l’édition, il me semble qu’il apparaît très vite dans la littérature. Les Mouflettes d’Atropos c’est quand même aussi quelque chose sur le corps féminin qui est très important. Tu as cité Dada, je voudrais en passer par Dada pour dire que peut-être Dada fait la révolution dans la langue et essaie de faire table rase, mais est-ce que finalement Chloé Delaume n’est pas la page blanche que la fin de Nathalie Dalain a permise, est-ce que ce n’est pas la table rase qui t’a permise ?
Chloé
Si, et je me disais même l’autre jour, je ne sais plus pourquoi, qu’en fait ma mère, comme beaucoup d’autres femmes dans ces cas-là, rêvait d’être auteur. Cela fait longtemps que j’ai dépassé son âge, mais je me dis aussi que finalement maintenant j’assume un peu aussi de me retrouver la survivante qui endosse. C’est la situation classique des gens à qui il arrive des choses difficiles. Se dire, quelques années après, quelques décennies après : s’il n’y avait pas eu cette catastrophe, je ne serais pas celle que je suis maintenant.
TG
La question n’était pas sur un plan biographique, mais plutôt sur un plan éthique et politique. Le fait est que tu montres qu’on peut créer sa vie, qu’on peut créer son nom, son personnage. On peut créer sa vie et on la crée notamment dans différentes directions possibles : la musique, le théâtre, la littérature, la performance, le film… Tout ce qu’on peut faire, tu le montres et quand tu veux tendre la main à de jeunes écritures, tu leur dis « allez-y ». Je me demande si tu ne dis pas cela aussi à un moment donné dans chacun de tes livres.
Chloé
C’est le but du jeu. Je n’ai jamais vraiment écrit des histoires. Le but du jeu c’est quand même vraiment de contaminer, d’expliquer aux gens que moi j’ai pris l’écriture, la littérature pour le faire, mais que la réappropriation de leur vie, cela ne passe pas du tout obligatoirement par une pratique artistique. Je pense au Parti du cercle et aux Sorcières de la République, à tous les dispositifs que je développe depuis 2011, avec de nombreux ateliers ou des séances participatives. Lors des ateliers d’écriture, qui sont un passage obligé dans les résidences, on monte un projet de performance à la fin de la semaine. Par exemple, dans les ateliers d’écriture, je travaille sur l’auto-prophétie en demandant aux participants de faire un transfert de telle ou telle échéance pour essayer d’être au plus vrai. Je leur demande, comme on essaie d’être au plus juste de la langue, d’être au plus vrai d’eux, mais pas à la manière de Lacan. Non, il s’agit juste au bout d’un moment d’assumer, de savoir où est la volonté. Il n’y a pas besoin d’aller dans des collectifs politiques officiels pour, à un moment donné, un peu se secouer. C’est comme pour les performances, j’adore kidnapper les gens, qu’ils se sentent mal, mais en partant de choses très simples que je peux tourner de façon poétique. La question « qu’est-ce que veut votre cœur ? Vous en êtes où dans votre cohérence de vie ? ».
[…]
TG
Si je résume un peu ce que tu dis, il y a la volonté de dessiller le regard des gens sur eux-mêmes. Le mouvement Dada c’était la société dans son ensemble, là c’est chacun…
Chloé
Moi j’écoute Foucault, ce sont les subjectivités qui sont les armes de demain !
TG
Je n’ai pas eu le temps de développer un point… Cela fonctionne justement avec l’autofiction qui arrive en France, dont on peut dire que l’apogée c’est peut-être Hervé Guibert. Quand l’autofiction arrive en France et est nommée comme telle par les médias, c’est le moment où justement on essaie de faire que chacun ait… son quart d’heure de gloire, comme Warhol avait prédit. Et donc on est à fond dans le système.
Chloé
Du coup c’est très dangereux d’expliquer que ce n’est pas pareil. Est-ce que tu voulais dire, qu’il y a une différence entre la mise en scène du moi et…
TG
Du je.
Chloé
Et voilà. Du je ? C’est cela le problème, c’est qu’en fait le quart d’heure de gloire en question, il n’y a pas de voix dedans. Pas de je. Des moi et des ça, et éventuellement un peu de surmoi. Il n’y a pas de je. Ils ne disent pas ; ils sont. Maintenant on ne fait plus, on est. Moi, je trouve cela décevant. Il ne s’agit pas juste de la célébrité pour la célébrité éphémère, mais de la question de ce qu’est la parole. Sinon on est uniquement dans les images, la mise en scène, la narration pure, la narration événementielle, sans fond, sans parole à défendre.
TG
Si je peux faire un peu de psychanalyse de bas étage : quand tu dis « il n’y a pas de voix », cela me fait penser à la biographie de Nathalie Dalain : après le drame, elle est muette pendant neuf mois.
Chloé
Oui. J’ai fait neuf mois d’aphasie, quelque chose de bien symbolique.
TG
Et c’est quand tu es muette qu’on te donne un nom, un rôle, une tâche. Quand tu ne veux pas prendre la parole, on va te dire : tu es notre enfant et tu n’es pas l’enfant de tes parents etc.
Chloé
Bien-sûr.
TG
Donc l’écriture vise aussi me semble-t-il chez toi – tu utilises la métaphore du virus – le pouvoir de se reprendre en main. Tu utilises aussi beaucoup le mot de « colonisation », et pas seulement à propos de la télévision. D’où l’importance de pouvoir se décoloniser. J’en viens donc à la troisième étape de mon entretien avec toi, sur la question de « s’écrire par-delà le papier ». Quand tu as évoqué la collection Extraction chez Joca Seria, tu as dit : cela ne peut pas marcher, parce que la mise en place de 300 exemplaires…
Chloé
Ce n’était pas que cela. Le problème c’est aussi le fait que les gens, le lectorat n’est plus intéressé que par du narratif. Tu le sais bien. J’avais de très bons livres, mais comment faire pour les faire connaître ? Comment résumer les contenus ? Comment fait-on ?
TG
Je comprends ce que tu veux dire, mais c’est lié à tout un mécanisme du commerce, de la société actuelle, qui fait qu’on prend de très gros tuyaux. Il faut que le message soit très visible et on ne peut pas commencer à vouloir faire dans la subtilité. Or ces textes-là ont besoin de temps et de subtilité. Donc j’en viens à la question des pistes internet, de la scène etc. Est-ce que finalement, puisque dans ton écriture qui est vitale il y a aussi un projet politique pour les autres, est-ce que l’internet et les autres medias, pour exprimer ce que tu dis, pour faire valoir l’œuvre artistique que tu as en route, ne sont pas une façon d’intensifier la possibilité d’être entendue, la possibilité d’être vue et finalement que ce message – je n’aime pas trop le terme de message – que ce virus politique soit utilisé par une opinion plus large ?
Chloé
Bien sûr, mais après, ce qui est compliqué, c’est que dans ces formes-là, les formes, cela ne dit pas plus clairement. J’ai vraiment un problème de formation du message. Je n’arrive jamais à le faire. J’ai du mal à faire des phrases moches, mais il n’y a que les phrases moches qui sont entendues et du coup, si je déploie autre chose, il y a un risque… Quand tout à l’heure Anaïs a travaillé sur les performances, c’était clair ; mais moi, quand je démarche à la maison de la poésie pour expliquer mon travail, ils ne comprennent rien à ce que je raconte et pourtant ils connaissent mon travail. C’est très difficile d’expliquer et ce ne devrait pas l’être quand tu pratiques… Le problème aussi c’est le taux de médiatisation. Quand je fais sous forme sonore ou radio, je touche un public encore plus petit et qui souvent est déjà convaincu. Le problème c’est que les gens que j’arrive à toucher sont d’accord avec moi. On se raconte une histoire entre nous mais cela ne sert qu’à prêcher à des convertis… C’est pour cela que je refais des ateliers plus sérieux avec des ados par exemple.
[…]
Note
[1] Thierry Guichard est journaliste littéraire. Il est le co-fondateur avec Philippe Savary du magazine mensuel indépendant d’informations littéraires Le Matricule des anges dont le premier numéro est sorti en octobre 1992. Il en est aujourd’hui le directeur de publication et il anime régulièrement des débats en France et à l’étranger. En 2013, il a ouvert un café-librairie à Portiragnes (Hérault) baptisé La Part de l’ange. En février 2009 il a réalisé pour le numéro 100 du Matricule des anges un dossier consacré à Chloé Delaume, qui fut elle-même pendant quelques temps chroniqueuse pour ce magazine.