N°19 / Voix sur les ondes : enquêtes orales et témoignages dans le reportage radiophonique (XXe-XXIe siècles)

« Les Pieds sur terre » des ondes au papier : analyse d’une mise en recueil

On air, on paper: « Les Pieds sur terre », a radio show turned into a book

Madeleine Martineu

Résumé

« Les Pieds sur terre » est une émission de documentaire radiophonique produite depuis 2002 sur France Culture par Sonia Kronlund. Cet article se penchera sur le moment de sa mise en livre pour tenter de saisir quelques spécificités de ce projet radiophonique. Pour fêter les dix ans de l’émission, la productrice publie en 2012 chez Actes Sud un livre sous-titré « nouvelles du réel », sélection de quarante-quatre reportages. Le passage du sonore à l’écrit est un moment qui permet d’interroger les enjeux esthétiques et politiques de la collecte de voix au cœur du projet des « Pieds sur terre ».

Abstract

« Les Pieds sur terre » is a radio show produced by Sonia Kronlund for France Culture since 2002. In this paper, I will focus on the way this show was turned into a published book for its tenth anniversary, in 2012. The transition from airwaves to paper will lead us to question and grasp some features of this radio project, especially concerning the way it collects voices in a specific political and aesthetic framework.

Keywords : documentary, radio, polyphony, testimony

Mots-clés

Plan de l'article

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En 2012, l’émission « Les Pieds sur terre » fêtait son dixième anniversaire par une mise en recueil : la productrice Sonia Kronlund publiait alors chez Actes Sud Les Pieds sur terre, livre résultant de la sélection d’une quarantaine de reportages. Le sous-titre « nouvelles du réel » joue avec le paradigme de l’actualité au cœur du travail journalistique et rappelle qu’il s’agit, dans la lecture comme dans l’écoute de l’émission, de prendre des nouvelles du réel, de prendre le pouls d’une société. « La vie moderne », titre auquel avait d’abord songé la productrice aux débuts de l’émission, traduisait également cette saisie du contemporain, du réel et du quotidien. La référence au genre de la nouvelle inscrit également le livre dans une famille littéraire qui fait signe vers la brièveté, le travail d’un arc narratif resserré et un art de la chute bien ciselé, pointant du doigt le goût de l’émission pour le storytelling, dans la filiation d’autres grandes émissions auxquelles elle se réfère. Les ambitions politiques et le cadre esthétique de l’émission sont donc d’emblée rappelés et reformulés lors du passage au livre. Cette émission quotidienne, produite par Sonia Kronlund depuis 2002 sur la chaîne de radio publique France Culture, est en effet décrite sur le site internet ou sur les plateformes de podcast en ces termes : « [t]ous les jours, une demi-heure de reportage sans commentaire ». Nous reviendrons sur une telle description à l’aune de la mise en livre de l’émission.

Avant d’en venir au livre, une brève présentation de l’émission s’impose. L’émission est en fait le fruit d’un travail de collaboration entre Sonia Kronlund et des producteurs·ices délégué·es, qui lui proposent régulièrement leurs sujets de reportage. Le choix des thématiques semble placé sous le signe de la variété. Les sujets politiques (monde du travail, précarité, inégalités de genre, etc.) côtoient volontiers l’anecdotique (« l’émerveillement », les « soirées qui tournent mal », les « conflits de voisinage ») voire l’intime (« Trouver l’amour »). Un désir d’équilibrer les sujets sous-tend malgré tout cet éclectisme, dans le souci de faire entendre les grandes problématiques sociales qui ont, nous le verrons, motivé la création de l’émission. Celle-ci se compose aujourd’hui de plusieurs formes d’épisodes, dont on pourrait rapidement esquisser la typologie suivante.

Le format le plus courant et emblématique de l’émission est l’épisode rassemblant plusieurs histoires sous un même thème. Le fil rouge de l’épisode est alors explicité par l’introduction de Sonia Kronlund : il peut aller d’une situation commune (« Le jour où j’ai failli mourir », « La sortie de prison », « Ascenseurs en panne ») au partage d’un simple détail. Cette mise en série à l’intérieur d’un même épisode engendre des effets de rapprochements et d’éloignements, de ruptures et de continuités. Aussi l’épisode « Se cacher » met-il par exemple en regard deux témoignages, celui d’un homme, originaire du Sénégal, ayant dû se cacher en Europe de nos jours, puis celui d’une personne cachée enfant, parce que juive, pendant la Seconde Guerre mondiale. La mise en regard, on le voit, travaille tantôt l’art du parallèle, tantôt celui du contrepoint, en ménageant des mouvements de balancier qui vont parfois jusqu’au renversement de situation : « Les Pieds sur les pieds » fait ainsi entendre successivement un fétichiste des pieds puis un homme amputé du pied droit.

Viennent ensuite les épisodes unitaires isolés, consacrés à un seul témoignage. Il s’agit, nous y reviendrons, du format initial des « Pieds sur terre », qui resurgit désormais occasionnellement. « La comptable en faillite », « Le blues de Jeanne » ou « Laeticia, médecin reconvertie » sont des exemples de ces épisodes centrés sur une seule expérience, et, le plus souvent, une seule voix. Même dans les cas polyphoniques, les voix évoquent en chœur une même situation mise à l’honneur : il en va ainsi de l’épisode « Liliane et Andrée : le plus beau des mariages pour tous », où l’histoire d’amour des deux femmes est racontée avec leurs mots, mais aussi avec ceux de Marie-Noël, animatrice de l’Ehpad où leur mariage fut célébré. Ces épisodes unitaires peuvent parfois être mis en série, réunis alors sous un même thème. La série « Racisme au quotidien » est par exemple composée de trois épisodes unitaires : « Les mots pour dire », « L’histoire de Yacouba » et « Le racisme au quotidien ».

Enfin, l’émission accorde une place historiquement plus marginale mais grandissante à des séries qui sortent de ce fonctionnement et se rapprochent de la création documentaire. Il s’agit le plus souvent d’enquêtes racontées à la première personne, comme le « Journal breton » d’Inès Léraud ou les emblématiques séries d’Adila Bennedjaï-Zou. La dernière en date, « Ex-ologie », restitue ainsi en cinq épisodes une quête au cours de laquelle la productrice retourne voir les hommes qu’elle a aimés – un par épisode – pour tenter de mieux saisir la personne qu’elle est aujourd’hui, et, peut-être, éclaircir la cause de son célibat. Elle partage avec ses auditeur·ices son protocole d’enquête et restitue avec transparence son cheminement, y compris dans ses impasses et échecs, selon un paradigme désormais bien décrit du côté de la littérature contemporaine[1]. Les retentissements intimes de la fabrique du documentaire sur celle qui le produit font alors partie intégrante de la création documentaire : on s’éloigne là du reportage « sans commentaire ».

Derrière cette diversité, comment décrire l’originalité du projet radiophonique des « Pieds sur terre » ? L’occasion du passage des ondes au papier permettra de saisir quelques aspects de la spécificité de la collecte de voix effectuée par l’émission. Le geste de la mise en livre n’est pas isolé – Daniel Mermet fêtait par exemple, en 1999, les dix ans de la mythique émission « Là-bas si j’y suis » en publiant un livre[2] du même titre, et de telles circulations témoignent d’une réelle proximité entre ces entreprises radiophoniques et ce que l’on nomme désormais les livres de voix[3]. Il s’agit là d’un livre-événement qui, outre le fait de marquer symboliquement un anniversaire, est l’occasion d’expliciter un « projet » radiophonique, terme abondamment utilisé dans la préface de Sonia Kronlund. Cette préface, nouveau seuil de l’émission, se fait lieu d’affirmation d’une posture de productrice : cette dernière y retrace la généalogie de l’émission et articule sa ligne éditoriale dans un paratexte qui n’a pas son équivalent à la radio. Après dix ans d’émission, elle y (re)noue un pacte d’écoute à mesure que s’instaure le pacte de lecture[4].

Du dispositif radiophonique au livre de voix : la mise en livre permet donc de mesurer quelques-uns des enjeux esthétiques et politiques de cette émission phare de France Culture.

1. Recueil d’une parole documentaire : quel dispositif radiophonique ?

 

La présentation de l’émission sur le site internet de France Culture indique que celle-ci se compose d’histoires « nourries d’éléments de reportage » tandis que les tags font référence au genre du « documentaire radiophonique », la rapprochant alors d’autres émissions de la chaîne, tel « LSD » ou « L’Expérience ». En somme, un flottement terminologique demeure, entre référence au reportage et au documentaire radiophonique. D’ailleurs, dans la préface du livre, Sonia Kronlund énonce cette hésitation pour mieux la balayer au détour d’une note de bas de page : « La frontière qui sépare le "documentaire" du "reportage", à la radio du moins, est assez floue. Une discussion qui permettrait de la délimiter, si toutefois c’est possible, serait longue et ennuyeuse et rien ne permet de dire qu’on arriverait à un résultat intéressant[5]. »

Tentons pourtant de saisir quelques-unes des caractéristiques sous-tendues par ces catégories génériques. Le documentaire radiophonique est un genre réapparu depuis les années 2000 dans le discours des institutions radiophoniques, au point de gagner en légitimité et d’entraîner une réelle professionnalisation autour du genre. C’est ce qu’ont montré les analyses de Christophe Deleu, en particulier dans l’ouvrage qu’il a consacré au genre, Le documentaire radiophonique : « [c]e n’est que récemment que la notion de documentaire est revenue en force pour qualifier des productions qu’on voulait distinguer des émissions de studio en direct[6]. » Le genre se distingue donc du fonctionnement spatio-temporel majoritaire de la radio en ce qu’il fait sortir du lieu du studio et implique une temporalité distincte du direct : récolte de sons et travail de montage en amont de la diffusion. En cela, il a été tributaire d’avancées technologiques, comme le Nagra, matériel qui a facilité la récolte de voix sur le terrain, ou la simplification des méthodes de montage. Outre cette dimension matérielle, le documentaire déplace également les contours des fonctions traditionnellement associées à la radio comme média du direct par excellence. Après la Seconde Guerre mondiale et sur la radio publique uniquement, le documentaire se développe, comme en témoigne la création en 1969 de « L’Atelier de création radiophonique » sur France Culture, qui valorise des créations expérimentales, fictionnelles et documentaires. L’essor du genre mérite sans doute d’être replacé dans le contexte du déploiement d’un « espace du documentaire[7] » plus vaste, des documentaires filmiques dont Aline Caillet propose une théorie esthétique jusqu’aux « narrations documentaires[8] » identifiées par Lionel Ruffel dans la littérature contemporaine. De même, le paradigme du terrain[9] dépasse largement cette sortie hors du studio radiophonique : Mathilde Roussigné propose ainsi une « anthropologie littéraire du terrain[10] ».

« Les Pieds sur terre » s’inscrit dans cet héritage d’une tradition de documentaire radiophonique pour la radio publique. En proposant une parole éloignée de la maison de la radio tant du point de vue géographique (couverture de l’ensemble du territoire, du centre jusqu’aux marges) que sociologique (le projet naît de la volonté de donner la parole aux invisibles), l’émission rejoint cette définition du documentaire radiophonique comme exception face au fonctionnement en direct et en studio. « Les Pieds sur terre » propose en effet un dispositif rejoignant ce que Christophe Deleu nomme « la parole documentaire[11] », pour la distinguer d’autres types de paroles d’anonymes entendus à la radio. La « parole documentaire » est définie en ces termes : « sous la forme d’une interview montée, le journaliste ou l’animateur donne la parole à une personne racontant une expérience ». Sonia Kronlund a d’ailleurs raconté la fabrique des émissions et cet art du montage à partir de plusieurs heures de rushs : « Nous montons énormément tout en respectant scrupuleusement le fond de ce qu’a dit la personne[12]. » Le dispositif rejoint donc en bien des points le genre du documentaire radiophonique.

Cependant, pour récent qu’il soit, Christophe Deleu a bien montré que le documentaire radiophonique était un genre hybride, résultant de « l’addition d’autres genres radiophoniques préexistants[13] », et empruntant notamment au radioreportage. « Les Pieds sur terre » peut donc bien être également qualifiée d’émission de reportage, mais un reportage paradoxal, car placé sous le signe de l’absence de commentaire, du retrait du commentateur.

2. Un reportage « sans commentaire »

 

Cette expression, centrale dans l’identité de l’émission, souligne l’originalité de son dispositif en le distinguant d’autres pratiques et genres radiophoniques. Et de fait, le radioreportage, par exemple, se définit d’abord par la voix journalistique commentant ce qui est vu en s’immergeant dans le réel. La mention d’un « reportage sans commentaire » relève donc, a priori, de l’oxymore. Du reportage, l’émission garde bien l’échappée hors du studio et le goût du terrain, dont témoigne la captation de bruits du réel, mais ne retient pas la présence journalistique sur son terrain : ses commentaires sont supprimés pour ne retenir que la voix des enquêté·es. Ces coupes au montage renforcent l’impression d’une parole livrée sans médiation, une idée qui est centrale dans l’identité sonore et éthique de l’émission, au point où l’on pourrait se demander si la notion de « témoignage » ne serait pas plus juste que celle de « reportage » pour décrire le genre radiophonique en question.

Or, en réécoutant d’anciens épisodes des « Pieds sur terre », on mesure à quel point cet éloignement vis-à-vis du radioreportage est en fait progressif, en s’inspirant sans doute d’émissions comme « Strip-Tease » pour l’effacement des commentaires, et de « This American life » dans l’attention portée à ces narrations à la première personne. Si la voix journalistique faisait partie de l’émission à ses débuts, celle-ci est de plus en plus accidentelle dans les épisodes récents (si l’on met de côté les enquêtes en série à la première personne évoquées en introduction). D’ailleurs, en 2012 déjà, dans la mise en livre, la voix disparaissait systématiquement des retranscriptions, à l’image donc de l’évolution de ce dispositif radiophonique. Dans « Henriette et Daniel, les cosmonautes de Ravel » (première « nouvelle » du recueil), la retranscription – l’écriture, plutôt – efface ainsi la présence de Sonia Kronlund, que l’on peut pourtant entendre si l’on réécoute cet épisode[14] :

DANIEL : C’est pareil, moi. Je fais pas de différence. Mais j’ai quand même voté Le Pen, moi. Je ne sais pas exactement pourquoi. Pour l’euro… Ils auraient dû laisser le franc. Mettre l’euro, moi ça me plaît pas beaucoup non plus… Et pis, ils ont laissé les frontières ouvertes, je trouve ça pas trop bien, moi, à mon avis…

HENRIETTE : J’ai pas voté du tout, moi. Oh ! non, je peux plus sortir. De toute manière j’aurais voté Le Pen aussi. Mais je peux pas dire pourquoi parce que je sais pas.

DANIEL : Il y a du bon et du mauvais, c’est toujours la même chose. Parce que vous savez, j’aime pas tellement la politique, moi. Je vote, c’est tout. Le reste… J’attends les résultats, c’est tout[15].

Doc. 1 – Extrait de : Sonia Kronlund (productrice), « Les Cosmonautes de Ravel : Henriette et Daniel », Les Pieds sur terre, France Culture, première diffusion le 4 août 2002. Enregistrement disponible en rediffusion sur le site de Radio France : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/les-cosmonautes-de-ravel-henriette-et-daniel-r-8238098 (consulté le 15 août 2023).

On observe bien la mise en sourdine de la journaliste dans cette retranscription : les commentaires à valeur axiologique sont gommés (« c’est quand même un choix très marqué », peut-on entendre dans l’émission), de même que les coulisses de cette parole (les questions posées, à commencer par l’initiale « pour qui avez-vous voté ? »). Ce choix dans la mise en livre est représentatif d’une évolution générale de l’émission, qui, dans son format le plus courant, laisse moins place aujourd’hui à cette restitution du moment de l’enquête pour privilégier une parole non coupée. Dans le recueil, la figuration de la journaliste sur le terrain est donc hors-champ et ne refait surface que de manière accidentelle, à l’image de cette mention de « la dame[16] », appelée plus loin « Sonia[17] » dans la nouvelle « Ginette et Loulou ».

Ce travail de montage rejoint une certaine conception de la voix comme lieu par excellence de la spontanéité, de la fluidité et du naturel. En proposant une « archéologie du livre de voix[18] », Maud Lecacheur a rappelé que le médium radiophonique avait redéfini l’imaginaire de la voix et les valeurs qui lui sont associées, qui étaient également celles qu’une grande partie de l’histoire de la philosophie lui conférait : immédiateté et intuition, par opposition au discours construit, donc potentiellement mensonger. Cette répartition de valeurs est au cœur du projet de l’émission et se retrouve dans cette mise en livre, qui prend pour repoussoir le discours (du porte-parole) pour préférer la parole (de l’anonyme). Le fait de monter la voix comme étant livrée de manière brute convoque aussi cet imaginaire d’une parole intuitive et immédiate, ce qui résulte pourtant d’une construction, d’un travail, d’un art du montage, voire d’un truquage. Le retrait des questions construit l’illusion d’une parole spontanée.

De ce point de vue, la filiation avec l’émission de reportage culte « Là-bas si j’y suis » est intéressante. Sonia Kronlund rappelle régulièrement ses débuts auprès de Daniel Mermet : elle vient de l’école « Là-bas si j’y suis », et prolonge son souci de faire entendre les oublié·es sur une chaîne de radio publique. Cette émission de France Inter, de 1989 à 2014, avait pour slogan « plus près des jetables que des notables », rappelant l’intérêt des « Pieds sur terre » pour les marges. Cette filiation côtoie cependant un discours de différenciation, dans la préface de ce livre ou dans des entretiens : « je suis de celles qui ont débuté avec Daniel Mermet mais je fais "du Mermet" sans les commentaires[19] ! » On a là une mise à distance d’un certain type de reportage et une distinction vis-à-vis du rôle du commentateur engagé comme Daniel Mermet.

Le « sans commentaire » affiche également un autre repoussoir, celui de la parole médiée par la figure de l’expert, quel qu’il soit. C’est ce qui est dit dans cet extrait de la préface :

De ces gens, qu’on ne sait plus comment appeler – ex « vrais gens » devenus « France d’en-bas », puis récemment « France invisible » et maintenant « France d’à côté », dont on peut au moins être sûr qu’ils ne sont pas des people – la parole est rarement livrée « seule » : il y a toujours quelque part un sociologue – ou pire un psychologue – pour l’analyser, pour en décrypter ou en interpréter le sens et, à défaut de sociologue, un journaliste lyrique ou sûr de son empathie. Dans Les Pieds sur Terre, au contraire, j’ai laissé les gens parler sans commentaire et tous les jours[20].

Le « sans commentaire » permet donc de distinguer l’émission d’autres pratiques du recueil de voix, comme celle initiée par l’entretien sociologique. Le travail-somme dirigé par Pierre Bourdieu La Misère du monde est d’ailleurs évoqué pour mieux différencier la démarche radiophonique de cette analyse sociologique : « je ne suis ni historienne, ni sociologue et je n’ai jamais cherché à faire une suite à La Misère du monde de Pierre Bourdieu[21]. »

L’absence de commentaire mérite pourtant d’être nuancée. Chaque auditeur·ice de l’émission sait que celle-ci commence systématiquement par une prise de parole de Sonia Kronlund : c’est d’ailleurs cette voix qui confère son unité aux épisodes, à la manière d’Ira Glass, le producteur-star de l’émission « This American life » et ses fameux « prologues ». Ces minutes d’ouverture recouvrent des fonctions variées, à commencer par la création d’un horizon d’attente, à la manière d’une accroche. L’écoute est alors souvent réinscrite dans une thématique plus large : en la reliant à une autre anecdote ; en commençant par une définition ; en livrant quelques chiffres-clé. L’écoute est contextualisée, en particulier lorsque l’épisode résonne avec une actualité (« Sofya Rudeshko, histoire d’un féminicide ») ou un anniversaire (« Clément Méric : la prise de conscience », rediffusé pour le dixième anniversaire de la mort du militant antifasciste). Cette introduction est également l’occasion de livrer des informations sur les conditions de production et de diffusion de l’émission : nom du·de la producteur·ice délégué·e, modification ou non des noms dans l’épisode, rediffusion. Enfin, le prologue se fait parfois espace d’avertissements avant l’écoute. Cela peut aller du conseil (tel épisode ne doit pas être mis entre de jeunes oreilles) jusqu’au positionnement prenant des formes d’engagement variées. L’émission se présente ainsi comme faisant œuvre de réparation symbolique et participant à un élan de justice sur certains sujets (les féminicides par exemple), quand elle va au contraire mettre à distance d'autres propos recueillis. Certaines introductions revendiquent ainsi la neutralité de l’émission vis-à-vis de la parole relayée. Cet avertissement n’étant pas systématique, l’affichage de neutralité ponctuel dessine en creux des lignes éditoriales. Ainsi, dans « Des femmes qui crient », la deuxième histoire donne la parole à une femme qui a crié des insultes contre des élus lors d’une manifestation de Gilets Jaunes. Sonia Kronlund rappelle alors :

Je précise une fois encore […] que les opinions exprimées par les personnes que nous rencontrons ne reflètent pas forcément le point de vue de notre rédaction ni n’engagent a fortiori celui de France culture et qu’en l’occurrence comme vous l’entendrez l’opinion de la deuxième personne a été jugée un délit[22].

On rejoint là encore la définition de « la parole documentaire » donnée par Christophe Deleu, une parole, donc, encadrée et maîtrisée dans le sens d’une ligne éditoriale :

Les propos qu’on entend sont alors proches des récits de vie recueillis par les sociologues et les ethnologues. Mais la radio n’est ni la sociologie, ni l’ethnologie, elle poursuit d’autres objectifs (intéresser, séduire, distraire, captiver le public). Dans la plupart des cas, elle considère que donner la parole aux gens sous la forme d’interviews ne suffit pas, et élabore des dispositifs qui encadrent cette parole afin de maîtriser le contenu et le sens du programme[23].

De manière générale, le ton monocorde de Sonia Kronlund, frôlant parfois l’ironie, semble aller dans le sens d’une nécessaire mise à distance des sujets, qui sont également mis sur un pied d’égalité. Là encore, le repoussoir semble être ce « journaliste lyrique ou sûr de son empathie[24] » évoqué dans la préface. Le recueil de voix prend donc une voie bien différente de celle empruntée par nombre de dispositifs littéraires relationnels qui instaurent un rapport au terrain héritant du tournant du care de la fin du XXe siècle, comme a pu le décrire Mathilde Roussigné[25].

Les commentaires introductifs qui précèdent systématiquement l’espace « sans commentaire » mettent à distance le lien empathique qui marque souvent le dispositif du recueil de voix. Ce dispositif, commentant et affichant l’absence de commentaire à la fois, vise en fait à créer une écoute égalitaire de toutes les voix, tout en énonçant un ancrage éditorial qui ne recueille pas, malgré tout, toutes les voix de la même manière.

3. Recueillir la parole des invisibles : livre de voix et projet politique

 

L’essor du documentaire radiophonique, en particulier celui qui consiste en une collecte de témoignages, rappelle plusieurs autres phénomènes marquant l’époque contemporaine, du « tournant ethnographique » (Hal Foster[26]) à l’« ère du témoin » (Annette Wieviorka[27]). À la croisée des méthodes d’entretien héritées des sciences sociales et de l’approche journalistique du terrain, le recueil radiophonique des voix peut être rapproché de ce que l’on nomme désormais, du côté de la littérature et dans la lignée de l’œuvre de Svetlana Alexievitch, les « livres de voix[28] ». La littérature contemporaine est en effet marquée par un tropisme de la voix : Maud Lecacheur a souligné le recours de nombre d’écrivain·es au magnétophone et décrit leur souci de réintégration de la voix dans le texte. Cette proximité précise une parenté entre récolte radiophonique des voix et formes littéraires qui avait déjà été soulignée, par exemple par Fanny Dujardin[29], en rapprochant le documentaire radiophonique du roman polyphonique et plurilingue décrit par Bakhtine. Et le livre-anniversaire des Pieds sur terre manifeste ce lien entre une forme littéraire et un projet radiophonique : le geste du passage de l’oral à l’écrit traduit une proximité esthétique et politique entre le livre de voix et l'émission. D’ailleurs, le moment de publication (2012) coïncide avec l’entrée dans une décennie où la publication des livres de voix s’intensifie, et la maison d’édition du livre-anniversaire est également celle qui traduit les livres de Svetlana Alexievitch en français à partir de 2013.

Un singulier renversement a lieu : si l’écoute sans image décuplait l’imagination visuelle, la lecture, elle, ira de pair avec la convocation d’un imaginaire vocal et auditif riche. Sonia Kronlund tient à ces « portraits de langue », ou « portraits de voix », comme elle les nomme dans son introduction[30]. C’est ce que mobilisent les didascalies en tête de chaque reportage sélectionné dans le livre. Ces chapeaux permettent de donner des éléments de contexte, mais surtout de renseigner les lecteur·ices sur les timbres des voix : les « voix enjouées » de Philippe et Didier (« Les Contis »), la « voix tendue, en colère, pas loin du cri » de Kamel (« Caterpillar »), la « voix sans cesse au bord des larmes, brisée » de Kahina évoquant le féminicide de sa sœur ou encore la « très belle diction » de Yacouba. Toute une palette d’adjectifs est ainsi mobilisée pour caractériser la voix avant la lecture, pour faire entendre le texte. Le livre rend compte d’une diversité de dialectes et accents (accent alsacien du tenancier d’un tabac dans « Les lapins mâles », « très fort accent nivernais » de Denise qui « roule les r » ou le « léger accent berbère » de Mustafa dans « Maison Borloo, maison fiasco »), mais aussi de sociolectes (le chapeau de « C’est quoi ton 06 ? » évoque, non sans risquer une présentation assez caricaturale des personnages, le « parlé wesh wesh » des jeunes rencontrés). À cette diversité de la parole se superpose une variété géographique (villes, banlieues, ruralité) et thématique : on passe de la fermeture d’une usine dans le Pas-de-Calais (« Christian ») au système carcéral (« Mohammed, détenu à vie »), de la condition des agriculteurs dans la Nièvre (« Éric et son ami ») au racisme (« Yacuba ») ou à l’addiction (« Sur la corde raide »).

Cette attention à la diversité dans l’échantillonnage livresque des « Pieds sur terre » permet d’ailleurs de balayer le partage qui peut exister parfois entre littérature légitime et récits anonymes ne pouvant accéder à la forme-livre. Derrière un projet valorisant immédiateté et absence de médiation, Marie-Jeanne Zenetti a ainsi mis en évidence dans le projet du « Parlement des invisibles » et la collection « Raconter la vie », initiés par l’historien Pierre Rosanvallon, la présence d’une hiérarchisation des formes de récit. Elle a montré que « le passage à la collection papier de certains textes initialement publiés en ligne entérin[ait] ce geste de partage entre littérature et non-littérature[31] ». Si le livre reste un horizon enviable de la radio, un moyen de marquer symboliquement un anniversaire, d’en livrer les dessous par une préface explicative, il ne semble pas être le lieu d’une hiérarchisation des paroles, au contraire.

Mobilisant tantôt l’image du chœur antique, tantôt celle du parlement, les écritures contemporaines tissant les voix recueillies s’énoncent bien souvent aux côtés d’un projet politique qui se réaliserait dans le livre. Sylvie Servoise a rappelé les liens entre polyphonie narrative et enjeux démocratiques, notamment avec ces trois piliers :

[L]a polyphonie permet de représenter la pluralité comme fabrique du social, au sens où elle en tient lieu (représentation-substitution) ; elle contribue à rendre visible ce qui ne l’est pas ou pas assez (représentation-monstration) ; elle participe à l’effort d’intelligibilité du social, à la clarification des enjeux et modalités des débats et des conflits (représentation-élucidation)[32].

La forme-livre des « Pieds sur terre », prolongement de l’émission, se veut précisément être cet espace textuel de représentation, de diversité, y compris dans ce que cela implique « de débat et même de dissensus », pour reprendre les termes de Sylvie Servoise. Ainsi, plusieurs témoignages du recueil entrent en résonnance par le partage d’une thématique commune mais en exprimant des points de vue différents. C’est le cas de la prostitution, qui prend des visages bien différents, entre métier choisi et revendiqué (« Sylvie et son camion », « Sonia la pute ») et exploitation dans le cadre d’un parcours migratoire (« Les filles de Belleville »).

La préface, en donnant l’occasion à la productrice de raconter la genèse de l’émission, permet d’expliciter le projet politique de l’émission, qui s’inscrit en réaction à la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour des élections présidentielles de 2002 :

[Q]ui étaient-ils, TOUS CES GENS qui avaient voté pour Jean-Marie Le Pen ? D’où venaient-ils, que voulaient-ils et pourquoi avaient-ils fait CELA ? C’est ainsi qu’est née l’idée d’une émission quotidienne sur France Culture où la parole serait donnée à des anonymes […] en grande partie pour comprendre comment on en était arrivé là[33].

Il y a là l’affichage d’une parenté très nette, dans la naissance du projet, entre voix démocratique et voix sur les ondes, cette proximité se manifestant à l’occasion d’un temps électoral. La thématique de la montée de l’extrême-droite est en effet un fil rouge qui relie bien des nouvelles du recueil entre elles. D’ailleurs, cet intérêt est mis en abyme dans la remarque de Stéphane, tenancier alsacien d’un tabac-presse au cœur de la nouvelle intitulée « Les lapins mâles » : « Le 21 avril, c’était pas une révélation, pas du tout, une continuation ici. Les médias se penchent vers nous par rapport à ça, mais je pense qu’ils auraient dû le faire bien avant[34] ». Cette prise de parole, retranscrite dans le recueil, nuance la vision du second tour comme d’un choc – le choc serait plutôt le résultat d’un aveuglement de classe, et, en l’occurrence, d’un aveuglement médiatique. C’est bien à ce défaut de représentativité que l’émission entend remédier.

D’ailleurs, la filiation avec l’émission américaine « This American life » s’est également affirmée dans un contexte similaire. En 2012, à l’occasion des élections présidentielles américaines, Sonia Kronlund sélectionne des épisodes de l’émission, les fait traduire et les diffuse à l’heure des « Pieds sur terre ». Armes à feu, criminalité, avortement : on retrouve dans cet échantillonnage les « grandes questions au cœur du scrutin[35] » américain. Ce projet témoigne de la proximité entre les deux émissions, et montre à quel point cette proximité se noue dans le moment démocratique de l’élection, tout comme le projet des « Pieds sur terre » naissait après les élections de 2002. La nécessité de faire entendre les voix semble donc d’autant plus urgente que celles-ci s’expriment dans le dispositif démocratique du vote.

Même si l’émission américaine n’était pas une inspiration directe pour la productrice, sa découverte dans les années 2000 contribua de fait à orienter l’évolution du projet, notamment en replaçant la narration, ou storytelling, au centre. Il est d’ailleurs intéressant de rebondir sur ce terme en réinscrivant le projet de l’émission dans les récents travaux autour du partage des récits entre littérature et storytelling, car il y a là un déplacement. Raphaëlle Guidée a montré tous les supposés de ce « conte contemporain » qui voudrait opposer la littérature comme contre-récit alternatif à un vulgaire storytelling perçu comme pur outil de propagande sans pouvoir de mobilisation[36]. Or cette binarité n’est pas rejouée ici, sans doute parce que la radio met en place d’autres schémas de légitimation que ceux du champ littéraire. En s’inscrivant dans la continuité de l’émission américaine et en reprenant à son compte, de manière positive, l’expression de storytelling, la productrice de l’émission s’inscrit dans une croyance dans l’effet démocratique du récit de soi, et de l’écoute des autres. Trouver la bonne histoire et rendre plaisante l’écoute, notamment par le montage, ne semble pas contredire l’ambition politique réaffirmée semaine après semaine par l’émission.

Les Pieds sur terre s’apparente donc au livre de voix et, comme cette forme littéraire marquée par la polyphonie, il entreprend de représenter le réel dans sa pluralité, dans ce qui est habituellement invisibilisé, et dans un effort d’élucidation de celui-ci, pour reprendre les points mentionnés par Sylvie Servoise. Cet enjeu politique mérite d’être replacé dans le cadre de la « mission de service publique » du projet. L’article de Christophe Deleu, « Y a-t-il une spécificité du service public en matière radiophonique ? », met en avant le fait que les trois genres radiophoniques que sont la création, la fiction et le documentaire s’entendent exclusivement sur le service public et s’inscrivent dans une certaine conception de l’intérêt général[37] : « [c]es trois genres ont réussi à se développer en raison des missions qui ont été attribuées à la radio par les pouvoirs publics ». Leur point commun, nous indique le chercheur, est de s’éloigner de la vocation de la radio comme média du direct. Mais ces genres restent rares, y compris sur ces chaînes publiques, comme l’indique le titre d’un récent article des Inrocks qualifiant « Les Pieds sur terre » d’émission « à contre-courant[38] ». Dans cet entretien, Sonia Kronlund pointe le lien entre cet héritage d’une radio de service public et l’ambition polyphonique de l’émission, en parlant de radio « concernante », de « média de proximité » ou encore de « journalisme de service public ». L’article de Christophe Deleu s’ouvrait sur la question du podcast, qui semble aujourd’hui être un nouveau lieu, aux côtés de la radio publique, pour le documentaire radiophonique. Il n’est pas anodin que « Les Pieds sur terre » soit devenu l’une des émissions les plus podcastées de la chaîne[39].

 

En explorant l’ambiguïté générique qui caractérise l’émission, entre reportage et documentaire, sans la résoudre complètement, et en étudiant la proximité de l’émission avec le livre de voix, manifestée à l’occasion de sa mise en recueil, le lien entre dispositif d’écoute/de lecture et projet politique se précise. L’attention portée à la pluralité des voix s’inscrit dans un contexte politique spécifique, au sein duquel l’émission entend combler un défaut de représentativité des voix sur les ondes. En s’inscrivant dans la filiation d’émissions comme « Là-bas si j’y suis », « This American life » ou encore « Strip-tease », l’émission crée un dispositif radiophonique singulier marqué par la diversité et unifié par la voix de Sonia Kronlund, entre présence et retrait du commentaire.

Notons que le vingtième anniversaire, en 2022, n’a pas donné lieu à un second livre-anniversaire, mais fut fêté par une sélection de trois séries d’épisodes, dont l’une, « La sélection des auditeurs et des auditrices », résultait d’un vote des auditeur·ices sur les réseaux sociaux de l’émission[40]. Cela témoigne certainement d’un nouveau type de lien avec auditeur·ices via le podcast qui, on le sait, modifie la réception du documentaire radiophonique. Sans doute est-ce aussi le signe d’un affranchissement du documentaire sonore vis-à-vis du livre. Mais Sonia Kronlund se tourne également vers d’autres projets, qui s’autonomisent encore davantage du format radiophonique originel des Pieds sur terre. Sa mise en film et en livre d’un épisode qui la marqua particulièrement, intitulé « L’homme aux mille visages[41] », histoire d’un faux médecin menant une double vie, montre à nouveau la plasticité des histoires recueillies entre divers supports. La non-fiction semble aujourd’hui particulièrement propice aux circulations entre les ondes, le papier et les écrans.

Notes

 

[1] L. Demanze, Un Nouvel âge de l’enquête, Paris, José Corti, coll. « Les Essais », 2019.

[2] D. Mermet, Là-bas si j’y suis. Carnets de route, Paris, La Découverte, 1999.

[3] Voir M. Lecacheur, « La littérature sur écoute : recueillir la parole d’autrui de Georges Perec à Olivia Rosenthal », thèse menée sous la direction de L. Demanze, soutenue en 2022, ENS de Lyon.

[4] Explicitation de références qui font partie de l’identité sonore des « Pieds sur terre », telle que la réplique du film Liberté, la nuit et prononcée par Jean Pierre Léaud, accroche de l’émission devenant seuil du livre.

[5] S. Kronlund, Les pieds sur terre : nouvelles du réel, Arles, Actes sud, 2012, p. 17.

[6] C. Deleu, Le documentaire radiophonique, Paris, L’Harmattan, coll. « Mémoires de radio », 2013, « Introduction ».

[7] A. Caillet, Dispositifs critiques. Le documentaire, du cinéma aux arts visuels, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Arts contemporains », 2014. Introduction intitulée « L’espace du documentaire », p. 9.

[8] L. Ruffel, « Un réalisme contemporain : les narrations documentaires », Littérature, n°166, « Usages du document en littérature », 2012, p. 13-25, https://www.cairn.info/revue-litterature-2012-2-page-13.htmdi%C3%A8sere6no6. Consulté le 6 février 2024.

[9] A. James et D. Viart, « Les littératures de terrain », Revue critique de fixxion française contemporaine, n°18, 2019, https://journals.openedition.org/fixxion/1254. Consulté le 6 février 2024.

[10] M. Roussigné, Terrain et littérature, nouvelles approches, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2023.

[11] C. Deleu, Les anonymes à la radio : usages, fonctions et portée de leur parole, Bruxelles, De Boeck, 2006, p. 163. Christophe Deleu distingue trois types de dispositifs radiophoniques d’octroi de la parole : la parole forum ; la parole divan ; la parole documentaire. Il consacre à cette dernière la quatrième partie de son ouvrage.

[12] G. Courchelle, Les coulisses de la radio, Paris, Éditions du Chêne, 2015.

[13] C. Deleu, Le documentaire radiophonique, op. cit., « Introduction ».

[14] D’abord diffusé le 04/09/2002, l’épisode est disponible puisqu’il a fait l’objet d’une rediffusion le 06/07/2015 : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/les-cosmonautes-de-ravel-henriette-et-daniel-r-8238098. Consulté le 15 août 2023.

[15] S. Kronlund, Les pieds sur terre, op. cit., p. 36.

[16] Ibid., p. 91.

[17] Ibid., p. 95.

[18] M. Lecacheur, « Une archéologie du livre de voix » dans « Livres de voix. Narrations pluralistes et démocratie. », Alexandre Gefen & Frédérique Leichter-Flack (dir.), Fabula, 2022, https://www.fabula.org/colloques/document8102.php. Consulté le 6 janvier 2024.

[19] G. Courchelle, Les coulisses de la radio, op. cit., p. 98.

[20] S. Kronlund, Les pieds sur terre, op. cit., p. 13.

[21] S. Kronlund, ibid., p. 12. Contre ce fantasme de la parole brute, Pierre Bourdieu insiste en effet, dans le chapitre « Comprendre » de La Misère du monde, sur la nécessité de travailler la transcription du témoignage en accompagnant les paroles confiées, affirmant que « ce n’est pas donner réellement la parole à ceux qui ne l’ont pas habituellement pas que livrer telle quelle leur parole » (P. Bourdieu (dir.), La Misère du monde, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Libre examen. Documents », 1993, p. 921).

[22] S. Kronlund (productrice), « Des femmes qui crient », Les Pieds sur terre, France Culture, 22 mai 2023, https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/des-femmes-qui-crient-6424452. Consulté le 7 février 2024.

[23] C. Deleu, Les anonymes à la radio, op. cit., p. 163.

[24] S. Kronlund, Les pieds sur terre, op. cit., p. 13.

[25] M. Roussigné, « Le terrain : une affaire de discipline ? », Revue critique de fixxion française contemporaine, n°18, 2019, https://journals.openedition.org/fixxion/1295. Consulté le 5 février 2024.

[26] H. Foster, « L’Artiste comme ethnographe, ou la “fin de l’Histoire” signifie-t-elle le retour à l’anthropologie ? », in Jean-Paul Ameline (dir.), Face à l’histoire, L’artiste moderne devant l’événement historique, Paris, Éditions Flammarion/Centre Georges Pompidou, coll. « Les cahiers du musée national d’art moderne », 1996.

[27] A. Wieviorka, L’Ère du témoin, Paris, Plon, 1998.

[28] M. Lecacheur, « La littérature sur écoute : recueillir la parole d’autrui de Georges Perec à Olivia Rosenthal », thèse citée.

[29] F. Dujardin, « Écrire avec les voix des autres : quels enjeux éthiques derrière le "beau documentaire" ? »,      Komodo21, n° 18, « Le désir de belle radio aujourd’hui », 2022, https://komodo21.fr/ecrire-avec-les-voix-des-autres-quels-enjeux-ethiques-derriere-le-beau-documentaire/. Consulté le 7 février 2024.

[30] S. Kronlund, Les pieds sur terre, op. cit., p. 28.

[31] M.-J. Zenetti, « Les "Invisibles" peuvent-il se raconter ? L’entreprise "Raconter la vie" entre ambition littéraire et soupçon de "storytelling" », Comparatismes en Sorbonne n°6, 2014, p. 1-13.

[32] S. Servoise, « Reconnaissance, empowerment et processus de subjectivation : les enjeux démocratiques de la polyphonie narrative », dans « Livres de voix. Narrations pluralistes et démocratie. », Alexandre Gefen & Frédérique Leichter-Flack (dir.), Fabula, 2022, https://www.fabula.org/colloques/document8078.php. Consulté le 5 février 2024.

[33] Ibid., p. 18.

[34] S. Kronlund, Les pieds sur terre, op. cit., p. 69.

[35] Rediffusion du 9 septembre 2016.

[36] R. Guidée, « Le gentil récit littéraire et le grand méchant storytelling : anatomie d’un conte contemporain », dans « Littérature contre storytelling avant l’ère néolibérale. Pour une autre histoire des engagements littéraires du xxe siècle », Danielle Perrot-Corpet et Judith Sarfati-Lanter (dir.), Raison publique, juin 2018, https://raison-publique.fr/1687. Consulté le 7 février 2024.

[37] C. Deleu, « Y a-t-il une spécificité du service public en matière radiophonique ? », Les enjeux de l’information et de la communication, n°14/2, 2013.

[38] C. Arbrun, « La fabrique des "Pieds sur Terre", l’émission à contre-courant de France culture », Les Inrocks, 23 février 2019, https://www.lesinrocks.com/actu/les-pieds-sur-terre-ou-letonnement-face-au-reel-141979-23-02-2019/. Consulté le 7 février 2024.

[39] En 2022, l’émission était 11ème dans le classement des programmes écoutés en ligne : https://www.radiofrance.fr/franceculture/40-3-millions-d-ecoutes-a-la-demande-record-d-audience-pour-france-culture-5404971. Consulté le 4 février 2024.

[41] S. Kronlund, L’homme aux mille visages, Paris, Grasset, 2024.

Bibliographie

 

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Autrice

Madeleine Martineu est ancienne élève de l’École normale supérieure de Lyon et agrégée de lettres modernes. Sa thèse à l’Université Grenoble Alpes porte sur les liens entre littérature contemporaine et journalisme, et concerne en particulier l’écriture du fait divers, de la chronique judiciaire et du reportage, genres propices à des circulations entre les champs journalistique et littéraire. Son corpus est constitué d’auteurs et autrices qui sont par ailleurs journalistes et publient à la fois dans des journaux et des lieux traditionnellement dédiés à la littérature. Elle a récemment écrit au sujet de deux écrivaines-journalistes : Ondine Millot (« Ondine Millot, de l’article au livre : rendre justice au fait divers » publié dans la revue Fixxion), et Florence Aubenas (« De l’enquête journalistique à la proposition d’un récit alternatif : L’Inconnu de la poste de Florence Aubenas », disponible en ligne). 

 

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