N°17 / 2022

Temps vécus, temps racontés dans le roman du XIXe siècle

Marie-Astrid Charlier, Véronique Samson
Temps vécus, temps racontés dans le roman du XIXe siècle

Résumé

Au XIXe siècle, avec la scansion rapide des révolutions et des successions de régimes, le temps se vit sous le signe de la discordance, comme l’ont montré les historiens François Hartog et Christophe Charle. Les progrès techniques, en réduisant les distances géographiques, rapprochent également les expériences temporelles et favorisent un « partage du sensible » entre différents territoires, différents groupes sociaux et différentes générations. Quant à « la civilisation du journal », elle crée des rythmes périodiques où s’invente une actualité de plus en plus partagée à mesure que l’alphabétisation progresse. Ces nouvelles scansions médiatiques font émerger le jour, la semaine et le mois comme unités de mesure de la modernité. Aussi serait-il erroné de prétendre qu’une expérience linéaire du temps s’est complètement substituée aux longs cycles de l’Ancien Régime. En effet, la quotidienneté et le rythme hebdomadaire qui structurent les modes de vie, les sociabilités, le travail et le loisir, sont des formes temporelles cycliques, organisées autour de différents rituels que, dans le domaine des études littéraires, les approches sociopoétique et ethnocritique ont notamment étudiés. Cependant, la multiplicité des rythmes de la vie moderne et leurs conflits récurrents entraînent tensions et discordances du point de vue de l’expérience aussi bien individuelle que collective. En outre, au croisement de l’accélération historique et de la multiplicité des temps sociaux, le présent se dérobe et le devenir interroge, sinon inquiète. C’est là, selon Hartog, le propre du « régime d’historicité » moderne.

Sommaire du numéro

Introduction

Marie-Astrid Charlier, Véronique Samson

Au XIXe siècle, avec la scansion rapide des révolutions et des successions de régimes, le temps se vit sous le signe de la discordance, comme l’ont montré les historiens François Hartog et Christophe Charle. Les progrès techniques, en réduisant les distances géographiques, rapprochent également les expériences temporelles et favorisent un « partage du sensible » entre différents territoires, différents groupes sociaux et différentes générations. Quant à « la civilisation du journal », elle crée des rythmes périodiques où s’invente une actualité de plus en plus...

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L’éloignement du passé, de Balzac à Flaubert

Isabelle Daunais

Sous l’effet des progrès techniques, du développement des savoirs et des transformations sociales, le XIXe siècle est confronté à un éloignement inédit du passé, dont la validité et le sens deviennent de plus en plus difficilement lisibles. S’exprimant sous la forme de la simultanéité du non-simultané, selon l’expression de Reinhart Koselleck, la distance qui sépare le présent du passé se pose comme une question à laquelle il est possible de donner au moins deux réponses : celle du lien à maintenir et...

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Le temps des campagnes

Corinne Saminadayar-Perrin

La France du XIXe siècle vit un régime de discordance des temps. La modernité se pense sous le signe de l’accélération ; à ce tempo fiévreux, surreprésenté dans la presse comme dans la culture livresque (littérature, essais, mémoires), s’oppose le rythme lent et cyclique des campagnes, fondé sur la répétition et la tradition. D’où la construction, dans la fiction comme dans les imaginaires sociaux, d’un diptyque en contrepoint. L’ambition épistémologique et totalisante de la fiction ne saurait cependant sacrifier aux seuls clichés...

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« Il apprit dans le journal » ou l’irruption de l’événement

Laure Demougin

Le journal au XIXe siècle apparaît comme un point de rencontre entre le lecteur et l’auteur de romans, entre le narrateur et le narrataire dans le cadre de la diégèse. Objet textuel vecteur d’une temporalité nouvelle liée notamment à l’événement, il est utilisé dans divers romans ou nouvelles selon plusieurs modalités qui permettent d’ébaucher une typologie de ses utilisations et de ce qu’elles révèlent des interactions entre le temps vécu par le lecteur et le temps raconté par le romancier. À...

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Exister dans l’instant

Eva Le Saux

Le roman du XIXe siècle est peuplé de figurants qui apparaissent brièvement à l’arrière-plan. Leur temps d’existence romanesque est caractérisé par la limitation de l’espace narratif qui leur est consacré, limitation qui contraste avec le temps étendu dont disposent les personnages principaux et secondaires. Pour autant, leur apparition brève produit bien des effets sur le temps raconté du roman. Les figurants ont ainsi pour rôle de donner la mesure de l’instant à l’échelle du roman. Ils contribuent également à élaborer le...

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Discordances du temps et système des personnages

Véronique Samson

Cet article prend pour point de départ l’anachronisme de  certains personnages secondaires (le baron de Charlus chez Proust, et surtout Mlle de Varandeuil dans Germinie Lacerteux des frères Goncourt, la tante et la mère de Jeanne dans Une vie de Maupassant), pour développer une réflexion sur les manières possibles d’articuler secondarité et temporalité. Il propose que le roman réaliste se sert du système des personnages pour révéler, par les moyens propres du genre, que le présent est fait de temps désaccordés, discordants.

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Le chronotope corporel

Mathieu Roger-Lacan

Cet article se propose de repenser la notion critique désormais classique de « chronotope » forgée par Mikhaïl Bakhtine en l’appliquant à un nouvel objet : le corps romanesque. L’écriture du corps dans le roman peut-elle être comparée à une topographie sensible où s’articulerait aussi un certain rapport au temps ? Le corps est-il un nouveau paradigme du chronotope, ou se rattache-t-il à ceux que M. Bakhtine et H. Mitterand après lui ont dégagés ? Quel bénéfice critique peut-on tirer de ce questionnement ? L’Ensorcelée de Barbey d’Aurevilly...

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Le temps d’une page, la chair du temps, le corps de l’Histoire

Véronique Cnockaert

Dans Une Page d’amour de Zola, le temps de la passion mais surtout le temps de la maladie fait dérailler la cadence homogène du quotidien qui rythme les jours et les nuits d’Hélène Grandjean et de sa fille Jeanne. En effet, c’est davantage la maladie d’amour de l’enfant pour sa mère que le temps des horloges qui scande le déroulement du récit. Cet article veut saisir comment la maladie oriente le récit et détermine son avancée. Dit autrement comment la temporalité narrative...

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Coordination

Marie-Astrid Charlier

Membre

Institut Universitaire de France, Paris