Abstract
“I have always been very interested in soliloquy, monologue. And I continued all the time. And I continue, ” confided Billetdoux in 1987. The first section of the paper traces the author’s practice with monologue at his beginnings (cabarets, radio, theater), before turning to texts written in 1968 and 1969 for theater and radio and published in 1996 by Actes Sud – Papiers under the title Monologues: Leonore, Anatolie, Julie Mad, Bagage, Gnagna, Machin-tout-court, Pilaf and stereo play Ai-je dit que j’étais bossu ? [Did I say that I was a hunchback?]
Huit textes, les uns conçus pour la scène, le dernier pour la radio, sont réunis sous le titre générique Monologues dans un volume du « Catalogue d’un dramaturge » publié par Actes Sud ‒ Papiers en 1996 [1]. Les sept premiers, tous écrits en mai 1968, ont à l’origine été composés pour un « jeu théâtral [2] », 7 + Quoi ?, d’abord intitulé Je n’étais pas chez moi, qualifié de « septuor » en sous-titre, qui a donné lieu à deux représentations à Paris en septembre 1968 [3]. Le volume accueille aussi une « étude » stéréophonique pour la radio, Ai-je dit que je suis bossu ?, datée de 1969 mais diffusée en 1971 au sein d’une émission plus vaste conçue et réalisée par Billetdoux pour l’Atelier de création radiophonique de France Culture, Combien avez-vous d’oreilles ? Tous ces textes s’inscrivent dans un ensemble d’« exercices » ou d’« études » entrepris après l’échec de Silence ! L’Arbre remue encore…, en 1967, quand Billetdoux décide de ne plus écrire de pièce de théâtre « dans la grande lignée [4] ».
L’édition du volume chez Actes Sud ‒ Papiers venant cinq ans après la mort de Billetdoux, il n’est pas sûr que le titre finalement choisi soit de lui : le volume a longtemps été annoncé en effet sous le titre Personnages ‒ nous y reviendrons ‒ complété du sous-titre « Monologues et soliloques ». Billetdoux mettait-il des distinctions techniques fortes entre les deux termes ? Le sous-titre le suggère, mais ce n’est pas clair. Un article de Witold Wołowski qui leur est consacré passe plusieurs différences possibles en revue, pour finalement s’arrêter à celle-ci : le soliloque a lieu sans témoin, le monologue devant témoin [5]. Selon cette distinction simple, deux textes seulement sont essentiellement des soliloques [6] : « Julie Mad » et « Bagage ». Mais on doit noter aussi qu’à leur création en 1968, les sept premiers textes étaient tous appelés « soliloques » par leur auteur, pour une tout autre raison cependant, qui est sa répugnance, dit-il à Lucien Attoun peu avant la création, à employer « le mot de monologue qui risque d’évoquer des numéros d’acteurs détestables et surannés [7] ». D’un autre côté, le sous-titre envisagé pour la réédition chez Actes Sud – Papiers propose bien les deux mots côte à côte et non l’un à la place de l’autre…
Quoi qu’il en soit, il est intéressant de noter qu’en composant ces textes, Billetdoux pensait aussi aux « numéros » non du théâtre, mais du cabaret, qu’il avait lui-même pratiqués dans sa jeunesse, et comme auteur et comme interprète, dont certains nous sont parvenus grâce à un disque Philips édité en 1961 et conservé à la BnF. Mais plus important que l’expérience du cabaret a été l’expérience de la radio, où Billetdoux a travaillé plus de dix ans à partir de 1946, comme auteur, producteur, animateur et réalisateur et qui a été pour lui l’occasion d’un « travail sur la parole et la voix » et plus largement sur « la manipulation et des sons et des formes, et des syntaxes » : « La radio, ce sont mes universités [8] », dira-t-il à plusieurs reprises.
Nous nous proposons ici, après avoir retracé succinctement les premières étapes qui conduisent Billetdoux du monologue de cabaret au théâtre, de voir ce qu’il en est de son rapport au monologue en 1968-1971, dates de création des textes publiés dans Monologues.
1. Cabaret et radio. Exercices et apprentissages
1.1. Les débuts de Billetdoux auteur, producteur, interprète et réalisateur
Billetdoux fait ses débuts à la radio en 1946 au Club d’Essai animé par le poète Jean Tardieu, comme auteur, producteur, interprète et réalisateur d’émissions de variétés, jouées en studio et sans public d’abord, puis devant public aussi, notamment au théâtre Agnès Capri, 24 rue de la Gaieté (émission « Le Grand Sympathique » en 1946-1947). Ses émissions Les Anes rouges, L’heure de variétés, La Foire Saint-Germain, proposent toutes des « pots-pourris », comme dit un journaliste : « Vous mettez ensemble des chansons, des sketches, des interviews, des bouts de reportage, des faits divers, des petites histoires, des improvisations, vous secouez le tout énergiquement et vous passez à l’antenne [9]. » Il y est en bonne compagnie, puisqu’il y fait des émissions avec un Roland Dubillard (Amédée), une Agnès Capri, un Jacques Dufilho. Jusqu’en 1957, soit un an avant Tchin-Tchin, il garde des attaches avec le monde des cabarets poétiques et « d’avant-garde », notamment en faisant jouer cette année-là aux Trois-Baudets, dirigé par Jacques Canetti, un spectacle de variétés intitulé Hi-Fi, avec des sketches et chansons sur les inconvénients du téléphone.
Après ses débuts au Club d’Essai (1946-1948), les années 1950 sont fastes : en même temps qu’il écrit ses premières pièces policières pour la radio (Les Nuages, Un soir de demi-brume), il se produit sur la scène de cabarets poétiques fameux : Milord l’Arsouille, l’Écluse… en interprétant des monologues de sa composition. Dans Treize pièces à louer, au Théâtre du Quartier Latin en 1951-1952, il ouvre le spectacle avec un « Prologue », repris en juillet 1953 à la Rose rouge, qui fait entendre une suite de discours, « celui du curé à ses ouailles, du chef militant dans un meeting, du monsieur distingué dans un cénacle littéraire, du maire dans une réunion municipale, du bonimenteur dans une émission publique, etc. [10] » ; « cinq manières de présenter un spectacle » dit un autre journaliste, selon que l’on se trouve « dans une réunion mondaine, une séance de patronage, un meeting politique ou une émission de Jean Nohain [11] ».
Fin 1952-début 1953, chez Milord l’Arsouille dans un spectacle dont la tête d’affiche est Francis Claude, et chez Agnès Capri, Billetdoux joue quatre autres monologues : « Le bon père » (4 mn 45), « Elle est pas belle la vie ? » (2 mn 50), « L’autodidacte » (4 mn 30) et « La bête » (1 mn 40), soit « les confidences d’un père de famille, d’une brute primitive, d’un autodidacte vaniteux [12] », d’un alcoolique content de son sort. « Ce sont des morceaux d’une grande vérité psychologique, à quoi il manque peut-être, pour qu’ils portent complètement, ce brin d’outrance caricaturale qui fait plus vrai que le vrai [13]. » On peut les écouter à la BnF, enregistrés sur disque Philips [14]. Certains de ses monologues passent aussi sur les ondes : par exemple À la chasse comme à la chasse, repris en 1959 à la radio dans Suite pour orchestre et gens bizarres, ou Monologue diffusé en 1961 dans l’émission « Dimanche dans un fauteuil » et publié dans L’Avant-scène avec le texte de Comment va le monde Môssieu ? Il tourne Môssieu ! [15].
1.2. Billetdoux animateur de variétés
La radio donne aussi à l’écrivain l’occasion de s’entraîner à jouer un autre « personnage », de journaliste plus que d’acteur cette fois, qui est l’animateur d’émission de variétés. Pendant trois ans en effet, de 1951 à 1954, pour des émissions de Francis Claude (célèbre humoriste de l’époque) comme La Roue tourne en 1952 sur la Chaîne parisienne où il joue le rôle de « Monsieur Lebâton » (sous-entendu « dans les roues »), Billetdoux donne la réplique au meneur de jeu, fait les liaisons entre deux vedettes, deux disques, deux parties d’une émission, donne un billet, une chronique. Les textes sont souvent écrits à l’avance, dialogues comme monologues. Et Billetdoux monologue autant qu’il dialogue sinon plus. Or, loin de traiter la fonction à la légère, il y impose un style bien à lui, jusque dans une émission comme Tentez votre chance sur Paris Inter (ex Jour de chance), émission de la Loterie nationale, où il s’agit de meubler le temps entre les tirages des numéros gagnants :
Cette émission ne trancherait peut-être pas sur la liste copieuse des « variétés » sans les soins exceptionnels que M. Billetdoux accorde aux « liaisons ». Son « planning de chansons tracé – et il faut reconnaître que son choix, très heureusement ne s’égare pas vers les sentiers battus, – notre producteur prend sa plume et trousse avec esprit un petit « à propos » en guise de préface à chaque numéro du programme.
Il parle de la pluie et du beau temps, des autres et de lui-même (les auditeurs aiment beaucoup qu’on les prenne pour confidents). Sa technique a l’air d’être à la portée du premier venu. Mais le procédé importe moins que l’étincelle qui l’anime […] [16].
Citons aussi en 1954-1955, Ce n’est pas tous les jours dimanche sur Paris-Inter, une émission de 40 mn diffusée le dimanche à 15h50. Elle propose une sélection de nouveaux disques de variétés, mais est aussi tout autre chose, comme le précise l’auteur dans une interview pour La Semaine radiophonique en octobre 1954 : « C’est une émission libre, où je passe de la musique, du chant, des poèmes, de la prose, et même des petits sketches [17]. »
Entre l’animateur d’émission à une voix et le diseur de monologues dans les cabarets et sur les ondes qui le précède et le suit, nous voyons une continuité, car Billetdoux, dans ce genre de sketch, s’est fait une spécialité du monologue de caractère : il ne pratique pas le monologue-pot-pourri, qui passe d’un sujet à un autre, du coq-à-l’âne, pour faire rire un peu de tout, mais il fait à chaque fois parler un type [18]. La différence entre le diseur et l’animateur est que le second ne cherche pas à faire rire de lui-même, alors que le premier veut faire rire du personnage qu’il incarne en le transformant par l’exagération burlesque en type comique. Ses manières de parler, de penser, d’être, sont gentiment grossies ou exagérées. Le monologue se veut piquant, ingénieux, incongru, il appuie sur les travers, les maladresses ou les naïvetés du personnage, il crépite de bons mots et traits d’esprit. Il va bon train aussi, il ne reprend pas souffle, il ne respire pas au sens où il n’intègre pas le silence comme une valeur, mais seulement la parole et les gestes. Car ces « numéros » de cabaret sont avant tout des spectacles, exigeant une présence scénique, une habileté à jouer de la voix et de la diction, du geste et des mimiques, des accessoires et du rapport au public [19].
Ce type de monologue a sa place sur les ondes de la radio de l’époque, même si la part de l’œil n’y trouve pas son compte. Un grand nombre d’émissions de variétés sont en effet enregistrées en public et retransmises telles quelles sans trop de scrupules sur les conséquences du changement de médium. Il faudrait savoir jusqu’où Billetdoux, quand il animait à ses débuts des émissions de variétés radiophoniques pour le Club d’Essai comme Les Anes rouges ou La Foire Saint-Germain, prenait réellement en compte le fait qu’avec la radio, non seulement on ne voit pas ce qui se passe mais qu’on écoute autrement ce qu’on entend du fait de l’entendre sans voir [20]. Dans les années Cinquante en tout cas, il semble assez « soucieux de la différence des genres et des techniques », comme il l’écrit en préambule d’une petite pièce radiophonique, Bien amicalement, qu’il laisse publier dans L’Avant-Scène en 1959 tout en précisant qu’elle n’est pas « une œuvre scénique » : « Il y a bien des silences dans ce texte qui appartiennent strictement pour moi à l’espace sonore, ainsi qu’un mouvement dramatique à inscrire dans la durée propre aux œuvres pour l’oreille seule. Tout n’est pas dit dans les mots [21]. » Mais faute d’avoir pu écouter ses monologues radiodiffusés de l’époque, je ne peux guère aller ici au-delà de l’hypothèse que Billetdoux intègre la différence de médium dans son interprétation ou son écriture de monologues à la radio, avec ce que cela suppose de concentration sur l’écoute, donc aussi le son, le rythme, le silence, et l’intensité de l’instant puisqu’à la radio l’auditeur peut prendre l’écoute et la quitter à tout moment et que, dit Billetdoux, « il faut convaincre tout de suite [22] ».
1.3. Rôle de la radio l’évolution artistique de Billetdoux
Ce qu’il faut souligner en revanche, c’est le rôle décisif que la radio, bien plus que le cabaret, a joué dans l’évolution théâtrale et plus généralement artistique de Billetdoux : « La radio », aimait-il à répéter, « ce sont mes universités [23] ». La radio en effet lui apprend écouter et à entendre autrement ; à comprendre l’importance du matériau sonore et de l’univers proprement sonore dans le langage humain. Elle est le médium de son éducation de l’oreille, grâce en particulier à son travail de réalisateur à partir de 1946. Billetdoux évoque à plusieurs reprises, parmi les grands moments, ses manipulations millimétriques sur la voix de Giono en 1953, quand il monte les entretiens radio de l’écrivain avec Taos et Jean Amrouche :
Des circonstances – heureuses – m’ont permis de faire de la phonologie sans le savoir, grâce au montage radiophonique. En particulier, j’ai pu manipuler la voix de Jean Giono […] il avait un plaisir à la venue des mots dans sa bouche, à cette aventure des mots qui prennent forme sonore dans l’espace et dans le temps […] son accent méridional ajoutait par le phrasé une espèce de chair, qui manque au parler pointu que l’on enseigne, français squelettique et guindé par le souci littéral du discours. Entre autres choses, il m’intéressait de constater que Jean Giono écrivait « avec accent » [et qu’ainsi une phrase de lui] lue à plat prend de la valeur juste lorsqu’elle est dite et entendue selon la musique propre à cet instrument qu’était Jean Giono [24].
D’où il ressort chez Billetdoux, au théâtre dans les années 1955-1967, à la radio, à la télévision, une obsession dramaturgique du matériau sonore. La radio déplace les enjeux du théâtre non seulement du visuel au sonore, mais de la parole à sa musique si l’on peut dire. En 1971, dans la belle série d’émissions intitulée Océan du théâtre, Billetdoux confessera qu’il a écrit toutes ses pièces en suivant les voix de ses personnages :
Lorsque j’en vins à composer des ouvrages dramatiques, dans la plupart des cas, ce furent des voix qui me guidèrent. Je n’écrivais pas « sur mesure » comme on dit. Ce n’était ni leur talent, ni leur emploi, ni rien d’eux qui m’attachait à eux. Je cherchais en moi ce que le son de leurs voix me disait jusqu’à ce que survienne quelque chose que je dois nommer « mystère de l’incarnation » […] Le fait est que telle ou telle voix entendue « module » en moi un personnage qui s’incarne en une suite de « figures » lesquelles empruntent à l’argile des mots et que je nourris de mon souffle, il me semble. […]
À retenir qu’il y a des gens dont je porte la voix en moi, dont je porte les sonorités. Les circonstances ont permis que je puisse « composer » à partir de certaines d’entre elles, par exemple celles d’Agnès Capri, de Cora Vaucaire, de Katharina Renn et de Madeleine Renaud. Là aussi, il y a eu « passage », de leur voix à la mienne, par l’écriture [25].
Cela est sensible dès la première pièce jouée de Billetdoux, À la nuit la nuit, créée en 1955 [26], mais s’accentue à partir de Comment va le monde Môssieu ? Il tourne Môssieu !
La radio permet aussi à Billetdoux de renouveler son écriture théâtrale en lui faisant découvrir dans le monologue une forme élémentaire de la parole humaine, de toute parole humaine, précédant le dialogue. Son intérêt est de révéler, mieux que le dialogue, ce que porte en lui un personnage : le monologue est une intériorité, dit-il en substance [27]. Une pièce dialoguée est la forme évoluée que prend le monologue d’un auteur donnant vie à plusieurs de ces moi possibles, avec chacun sa voix propre, son dedans et sa musique, comme il soulignera dans Océan du théâtre en 1972 [28].
On comprend dans cette perspective non seulement pourquoi le monologue investit de façon complètement inhabituelle les grandes pièces de Billetdoux, mais aussi pourquoi il est conduit, après Silence ! L’Arbre remue encore…, à un dépassement du théâtre « dans la grande lignée » par un retour à la forme élémentaire du monologue, sur scène comme à la radio, dans 7 + Quoi ? en 1968 et dans Ai-je dit que je suis bossu ? rédigé peu après, en 1969.
2. Personnages et monologues : le « besoin de spectacle »
2.1. Monologues et situations dramatiques
Je ne peux pas m’arrêter ici aux multiples facettes et emplois du monologue dans les pièces de théâtre, bien catalogués par Witold Wołowski dans son étude publiée en 2005 [29] et dans l’article écrit pour ce dossier. Comment va le monde Môssieu ? Il tourne Môssieu ! où l’influence du cabaret (music-hall) se fait sentir par l’emploi rythmique de chansons en plus des monologues parlés d’un des deux personnages (Hubert Schluz) [30], Il faut passer par les nuages, dont tout le premier mouvement consiste en un ballet de monologues de tous les personnages [31], d’autres pièces, mériteraient des développements [32]. Mais il faut souligner ce qui change quand Billetdoux tourne le dos au théâtre « dans la grande lignée ». Dans les deux pièces citées, l’auteur pratique un monologue d’action : un monologue court ou très court (de quelques lignes à une page et demie), adressé par un personnage à un ou plusieurs autres présents sur scène, qui l’entendent et y répondent par une action. Le jeu des monologues permet d’extérioriser l’intériorité des personnages, mais dans la limite permise par la qualité des interlocuteurs et par les nécessités de l’orchestration générale. Dans 7 + Quoi ? en revanche, puis dans Ai-je dit que je suis bossu ? les « situations dramatiques » conçues par l’auteur permettent aux monologues de durer, et donc aux personnages d’aller plus loin, voire bien plus loin, dans l’expression de ce qui les habite.
Précisons avant d’aller plus loin que ces « situations dramatiques » ne sont pas toutes des situations de soliloque au sens où le personnage qui parle n’a aucune oreille pour l’écouter : Billetdoux propose avec ces deux œuvres des « études », des « exercices », et prend donc bien soin de varier à chaque fois la formule. Certains s’installent ainsi entre soliloque et monologue : ce sont des monologues devant témoin mais « jusqu’à un certain point », où l’auditeur est à la fois proche et loin : Léonore, barricadée dans sa chambre, parle à Dieu ; la petite Gnagna, pas rassurée dans le lit inconnu de la ferme où ses parents l’emmènent chasser, interrompt plusieurs fois son soliloque pour s’adresser à celui ou celle qui ferme la porte puis qui éteint la lumière du couloir, puis qui au matin ouvre grand la porte ; Machin le joueur de jazz et de cartes tambourine longtemps à une porte qui à la fin s’ouvre. Dans Ai-je dit que je suis bossu ? la parole s’installe entre le monologue et le dialogue : Emmanuel s’adresse à une femme, Enrika Méthode, de l’autre côté de la cloison de son appartement, mais aussi à un moment dans l’obscurité de sa chambre où il a réussi à entrer. Celle-ci lui répond ou semble le faire mais par des gémissements, non par des mots : une didascalie parle à ce propos de « dialogue » tout court, plutôt que de monologue. On a donc plutôt affaire à un monologue-dialogue, qui est d’ailleurs dialogue pur dans un passage où Emmanuel parle dans le couloir avec le pilote de ligne venu visiter la femme.
2.2. Procédés du cabaret
Notre propos du début évoquait la première carrière de Billetdoux dans le domaine des variétés : c’est bien aux « monologues à dire » du cabaret que pense l’auteur en concevant 7 + Quoi ? Ce « jeu théâtral » sans dialogues ni intrigue commune aux personnages joue au fond avec une situation élémentaire qui est celle du diseur devant son public. Il la complique, en obligeant chaque acteur à se soucier aussi de l’orchestration d’ensemble des soliloques, tout en la prenant comme point de départ. C’est ce que Billetdoux souligne dans l’entretien déjà cité avec Lucien Attoun :
L’acteur est obligé d’assurer et de défendre son personnage, mettons comme il devrait le faire au music-hall – sans le support d’une intrigue, sans recours à un partenaire, par la présence – mais aussi en jouant avec l’ensemble où il s’insère. S’il n’en profite pas au fur et à mesure ou s’il ne s’inscrit pas dans le mouvement général, il se perd et la tension baisse. Aucun leader ne peut s’affirmer en scène contre les autres ou en leur nom. C’est là un jeu proprement et terriblement démocratique [33].
Pour permettre aux interprètes de 7 + Quoi ? de « défendre [leur] personnage », Billetdoux, et c’est un autre emprunt au cabaret, recourt au vieux procédé du contraste : il les type, exagère ce qui les qualifie, grossit ce qui les distingue. Chacun d’eux, dit l’avis, « parle sa langue et transpose à sa façon la réalité douteuse. Aujourd’hui, cela vaut encore la peine de faire contraster ces nuances. » Manières de parler, tempéraments, situations, tout sert à les contraster. Léonore est une dévote de province, déjà grand-mère, trompée par son mari coureur, fainéant, ivrogne et parasite. Anatolie est un personnage « à trois étages » de fille seule cherchant à se donner des airs de femme mais aussi, ce soir-là, à se mentir sur le retour de son grand amour d’avant ; Julie Mad, une « folle » comme l’indique son nom, est « clown, du pays septentrional de l’innocence, dans la catégorie “Auguste de soirée” », dit (un peu excessivement) la didascalie liminaire…
Les didascalies soulignent à gros traits ces contrastes, mais aussi l’usage, pour les trois premiers personnages au moins, d’un grand nombre d’accessoires, autre ressource habituelle du sketch de cabaret. « […] ceux qui n’ont pas exercé au cabaret, au music-hall, au cirque », écrit Billetdoux dans la préface de 1986 à sa première pièce de théâtre À la nuit la nuit, ignorent souvent que les accessoires parlent. […] Ils réclament d’être choisis et soignés de près. » Chez Léonore, les accessoires de son jeu sont d’abord ses mimiques : « elle baisse la tête à tout propos, porte la tête de côté par compassion, ou bien la courbe en hochant la tête, ou encore offre son visage au plafond, etc. » Chez Julie Mad, tout devient accessoire d’un jeu qui s’emballe jusqu’à l’éparpillement fébrile et « au fastueux désordre d’affaires accumulées », vêtements, sac, ustensiles de ménage, de toilette, de maquillage et « tout le contenu de ses tiroirs et de ses placards », etc. Ici et là, les « accessoires » de jeu sont moins voyants, comme dans Bagage ou Gnagna ; cela est fonction du « personnage » que joue le personnage. Dans le dernier monologue de 7 + Quoi ?, ils semblent se concentrer dans l’élocution du personnage Pilaf, qui s’est inventé, précise la didascalie « un langage “petit-nègre”, qu’il transforme au gré des rencontres » et dont il va jouer encore dans la cellule de prison où on l’a jeté, tout battu, râlant, crachant, suant et agonisant qu’il est, pour s’intéresser lui-même. Ce langage dans lequel il trouve un abri l’exalte et la magnifie à la fois dans sa détresse, raison pour laquelle sans doute le soliloque, disposé en vers libres, prend l’allure d’un poème [34].
2.3. Jouer un personnage, besoin permanent de l’humanité
Au-delà de ces emprunts, c’est l’importance structurale donnée à la forme du monologue dans la conception des deux œuvres de 1968 et 1969 qui fait sens. Quel sens ? Le premier titre envisagé pour le volume, Personnages, nous met sur la piste : ce qui réunit en profondeur les deux œuvres publiées dans ce volume, c’est qu’elles font voir ou entendre, à travers cette forme « élémentaire » de la parole qu’est le monologue, un besoin élémentaire présent en tout homme, qui est de se donner en représentation, de jouer un personnage, peu ou prou et même, comme Pilaf, dans les situations le plus graves. En apparence, Billetdoux ne fait que reprendre ici le thème séculaire de la comédie humaine. Mais son originalité est d’en faire une lecture résolument positive et optimiste, qu’il explicite dans l’entretien avec Lucien Attoun donné à l’occasion de la création de 7 + Quoi ? :
François Billetdoux ‒ Le théâtre est partout comme le besoin de spectacle en général existe chez tous. Le spectacle est dans la vie et peut permettre de magnifier et de mieux voir. […]
Lucien Attoun ‒ Est-ce avec ce souci que vous avez écrit 7 + Quoi ?
François Billetdoux ‒ Certainement [35].
Ce « besoin de spectacle », de théâtre, c’est au fond un besoin de création, de développement, de plénitude, de rêve, que Billetdoux juge bien plus fondamental que le besoin sexuel par exemple, dont « la rengaine […] sert de bible au marketing général [36] ». Bien plus fondamental, dans la mesure où il permet à chacun de « s’élever par approfondissement [37] », comme il le dit des personnages d’À la nuit la nuit, en allant jusqu’au bout d’une vérité qu’il porte au fond de soi, de la faire passer de la nuit à la lumière. « En une nuit », dit l’avertissement, « chaque personnage suit son cours », avec comme point commun avec les autres de faire entendre la même mélodie de « la petite espérance [38] ». Léonore, barricadée dans sa chambre, donne libre cours à son espoir d’échapper à sa brute de mari ; Anatolie à son amour pour Maravilla, partie au loin, qu’une lettre d’elle a ravivé ; Julie Mad à l’illusion d’avoir semblé intéresser l’homme qui l’a renversée en voiture l’après-midi et lui aurait donné rendez-vous le lendemain matin à l’aube ; Gnagna joue la petite fille sage pour se rassurer, etc. La diversité même des âges, de la petite fille au vieil homme, est là pour suggérer la permanence de ce besoin de théâtre.
La particularité ici de 7 + Quoi ? ‒ et sa limite apparemment en 1968 ‒ est d’avoir voulu tester aussi le besoin de création des différents partenaires de la représentation, de l’auteur au metteur en scène, aux comédiens et au public : « Maintenant le temps est venu de reprendre enfin la phrase de Lautréamont : “La poésie doit être faite par tous et pour tous.” Je suis persuadé que, beaucoup plus gravement que les refoulements [sexuels] dont on nous parle beaucoup en ces temps, il y a un refoulement du besoin créatif chez l’homme. C’est un besoin immense chez tout homme qu’il s’agit de développer » dit alors Billetdoux à Lucien Attoun [39]. Chacun, de l’auteur au public, est donc invité à « jouer sa partie » dans le déroulement d’un spectacle aléatoire : les sept monologues, à choisir parmi neuf [40], de durée-papier différente, sont faits pour être dits simultanément, au rythme décidé par le metteur en scène mais aussi par les comédiens. Pour éviter la cacophonie, chaque comédien, tel un instrument, doit s’accorder aux autres dans un entrelacs concertant, tous les personnages jouant une même « petite mélodie » qui est celle de la « petite espérance ». Mais libre aussi au public, dit l’auteur dans un entretien inédit donné avant la création, de n’écouter qu’un des personnages, ou deux, ou trois.
2.4. 7 + Quoi ? ou la création du monde
On imagine bien le risque qu’il y a à faire jouer ainsi sept personnages et de fait, l’expérience a d’abord été tentée avec trois monologues en juillet 1968 au Festival de Spolète (Italie), sous le titre Je n’étais pas chez moi : Léonore, Anatolie, Julie Mad. Elle a été reprise avec les mêmes textes, sous le titre Femmes parallèles, en septembre 1968 au Théâtre du Gymnase dans un montage de Michel Cacoyannis, en novembre 1970 à la Comédie-Française dans un montage de Jean-Pierre Miquel. L’année suivante, trois autres monologues ont été mixés à la radio, sous le titre Niania la nuit : Bagage, Gnagna, Machin-tout-court [41]. Pilaf, de son côté, a fait l’objet d’une version radiophonique, incluant un monologue de femme, en 1971, pour l’émission Combien as-tu d’oreilles ? [42], version présentée comme œuvre autonome au concours du Prix Italia 1972.
Mais le chiffre sept a pour Billetdoux son importance : il renvoie ici, semble-t-il, aux sept jours de la création du monde. Les sept personnages, tous très contrastés, certains typiques d’autres excentriques, représentent le monde en réduction, chacun de nous, non pas seul avec soi-même mais proche des autres du fait qu’il partage avec eux une même humaine condition, résumée dans l’avertissement de 1996 par les mots « douleur » et « espérance » [43]. Le « jeu » dramatique consiste donc à rejouer la création du monde, un monde malheureusement bien nocturne (tous les monologue ont lieu la nuit) et bien imparfait ; d’où le titre initial de 7 + Quoi ? qui pose la question d’un complément, d’un plus dans l’ordre du « quoi », non du combien, c’est-à-dire dans l’ordre du contenu. Peu importe en effet le nombre de personnages, d’instruments, puisque tous jouent la même « mélodie » : la question est plutôt de savoir ce qui peut advenir au fond de chaque spectateur à l’écoute de ces « prochain[s] plus douloureux que soi-même, et si proche[s], appelant [44] ». Le jeu, écrit Billetdoux, « devrait favoriser des tensions et des intensités étranges, mais évidentes au fond de nous [45] ». Il s’agit d’un jeu éminemment « politique » malgré les apparences, au sens où ces monologues et soliloques concertants invitent chaque spectateur à répondre à l’« appel » d’un prochain, non d’un étranger, qui est celui de sa condition humaine, faite à la fois de douleur d’être et d’espérance.
2.5. Ai-je dit que je suis bossu ? ou l’amour du « voisin »
Dans Ai-je dit que je suis bossu ? aussi, dont l’histoire commence un soir et se termine à l’aube suivante par la mort du vieil horloger Emmanuel, tout se passe la nuit, et en grande partie dans le noir. Un vieil homme seul dans un appartement perdu au septième étage d’un grand ensemble ; une femme seule dans l’appartement voisin, une artiste slave, qu’un accident cloue au lit depuis trois semaines ; deux solitudes dans ce grand ensemble anonyme… Mais comme dans 7 + Quoi ? cette « couleur nocturne » que Billetdoux demande de garder dans la version scénique créée dix ans plus tard par Roger Blin [46], et qui nous parle de la condition humaine, n’empêche pas d’entendre, en laissant les personnages suivre leurs cours, s’élever la mélodie de l’espérance. Poursuivant dans sa conviction que « notre tête est un nid d’oiseaux [47] », que l’existence humaine est modelée par le son plus que par l’image, par l’oreille plus que par l’œil, le pari de Billetdoux, qui écrit ici sa première composition stéréophonique (suivra Niania la nuit), est d’entraîner l’auditeur à devenir tout oreille. Le sous-titre de l’œuvre, indique d’emblée ici son ambition musicale et lyrique : c’est un « oratorio », qui demande donc à l’auditeur « une attention analogue à celle que nécessite une œuvre musicale, où la succession des tensions et l’architecture mouvante du thème et des motifs importent davantage que le développement linéaire du discours [48]. » En effet :
Le plus important n’est pas ce qu’on dit, le sens littéral ne représentant que la partie faible dans les trois valeurs par lesquelles se fonde la présence d’une voix juste. D’abord joue la musique des mots dans leur profération, secondement l’expression la plus profonde qui est celle des symboles [49].
Combien as-tu d’oreilles ?, titre de l’émission encadrant la première diffusion de l’œuvre, est aussi une interpellation à retrouver « le goût de soigner l’oreille fabuleuse que nous sommes [50] ». Le choix du médium radiophonique pour cette œuvre et la « monstruosité » du personnage principal vont dans ce sens : « La bosse du vieil horloger Emmanuel est invisible. Mais il a cependant un vice de conformation au regard de la société urbaine d’aujourd’hui : il écoute, il est tout-oreille [51]. » Comme le disait déjà le poète et homme de radio Carlos Larronde dans les années Trente, la radio ne fait pas de nous des aveugles, mais des surauditifs, comme l’est dans l’œuvre Emmanuel, dont la bosse n’est pas celle qu’on imagine.
Et c’est cette extrême sensibilité du personnage aux sons qui l’environnent qui va le conduire, en suivant son cours, à écouter du dedans les gémissements de sa voisine Enrika Méthode (séquences 1, 2, 3, 6, 7, 14), à y sentir le mal de solitude dont elle souffre, à devenir « amoureux par l’oreille [52] » de cette « âme sœur [53] », jusqu’à entrer avec elle à la fin de l’œuvre dans de véritables « noces [54] » vocales, par-delà la cloison de leur deux appartements.
Si « l’expression la plus profonde » est « celle des symboles », sans doute se dévoile-t-il dans ces noces des deux personnages, dont une note assez raturée de Billetdoux laisse entendre qu’ils représentent un homme et son âme :
… faire valoir l’essentiel : [une sorte de] dialogue entre [un homme et son âme] / les deux personnages principaux
[…]
[L’âme – représentée par Madame Méthode] / La femme – Madame Méthode – / […] [55]
La « musique » d’Enrika, ou l’ouverture à l’amour du « voisin » (du prochain) comme clé de l’existence humaine. Ai-je dit que je suis bossu ? comme variation, aussi sur la parabole claudélienne du couple Animus et Anima, ce drôle de ménage de l’esprit et de l’âme ? Animus, un jour, surprend Anima « qui chantait toute seule, derrière la porte fermée : une curieuse chanson, quelque chose qu’il ne connaissait pas, pas moyen de trouver les notes ou les paroles ou la clef ; une étrange et merveilleuse chanson [56]. » De même l’horloger hypersensible aux bruits de ses voisins, irrité par la pollution sonore du monde moderne, trouve le chemin de son âme, en écoutant « du dedans » les gémissements de sa voisine Enrika Méthode (« methodos » : recherche d’une voie, d’un chemin), « étrange et merveilleuse chanson » qui libère en lui, dit aussi Billetdoux, « un immense amour [57] ».
C’est une bien belle musique que l’auteur de Comment va le monde Môssieu ? Il tourne Môssieu ! désire faire entendre, dans cette œuvre comme en réalité dans toute son œuvre, à ceux qui ont des oreilles pour entendre.
Documents
1. Deux monologues à dire de Billetdoux
Monologues « L’Autodidacte » et « La bête ». Transcription (partielle pour le premier) d’après l’enregistrement de 1952 au cabaret Milord l’Arsouille, repris dans un disque 45 t. Philips, 1961 (BnF, cote NUMAUD- 8829607).
1.1 L’Autodidacte
Ce n’est pas parce que je ne suis pas allé dans les écoles que je ne suis pas intelligent. Je dirai même que c’est parce que je suis intelligent, que ça ne m’a pas gêné d’aller dans les écoles. Vous voyez je pense ! Au début je n’osais pas. Même dans mon for intérieur, je faisais des citations plutôt ! Mais maintenant, je pense par moi-même et tout haut, sans texte préparé ni rien, en quelque sorte / j’improvise de la pensée ! C’est que, tel que vous me voyez je me suis fait moi-même, à la force du poignet, et remarquez bien que je n’ai même pas eu à suivre les cours du soir : la pratique, l’expérience, ont voulu que petit à petit [prononcé peti à peti] (rires), je connaisse les choses depuis le bas de l’échelle comme qui dirait en les touchant du doigt (rires). Par la suite, j’ai potassé dans des manuels jusqu’à des 10 et 11 heures du soir (rires) Puis j’ai pris sur moi de me rendre à des conférences, me forçant à écouter, même si je ne comprenais pas (rires) ou si j’avais sommeil (rires) […] Ce que l’avenir me réserve je l’ignore encore… Cependant / j’œuvre tous les matins (rires), avant de me rendre à mon labeur (rires). C’est ainsi que ce matin comme chaque jour j’ai travaillé au dictionnaire, c’est-à-dire que primo, je me rappelé ce que j’avais appris la veille, à savoir / les termes vaurien (rires un peu), vautour (rires un peu), vautrer (un peu), qui signifie… se rouler dans la boue (rires), vavassal ou vavasseur (rires un peu) et veau petit de la vache ! Secundo j’ai poursuivi en étudiant les définitions de : vedette, vectur, védique, mais surtout la série végétal, végétarien, végétation et végéter, terme utilisé par les médiocres (rires). Tertio, j’ai prévu que j’irai demain jusqu’à véhicule, […] Notons en passant que j’exerce en outre ma diction ! Brouette. Brouette (rires). En effet une bonne diction, c’est la moitié de la pensée (rires). Tout le reste n’est que vocabulaire (rires fournis). Je termine en signalant à votre attention que si j’en suis arrivé où j’en suis arrivé, c’est grâce à une peine acharnée, prise à l’abri des plaisirs qui détériorent actuellement la plupart des couches de la société. […] Je vous remercie de votre attention (applaudissements).
1.2 La bête
Mon pote, dans la vie y’a que deux problèmes : avoir soif, et boire (rires). Mon père i mangeait un hareng-saur tous les matins / pour avoir soif (rires) et il est mort d’une cirrhose du foie (rires) à 102 ans (rires). Alors moi je suis ses traces. Mais faut qu’j’vous dise : moi j’suis brute comm’ tout. J’ai peur de rien. (ton bas) Ni Dieu ni flics. Mais j’ai peur de faire mal. Et quand j’fas mal ça m’fait chialer. Et j’aime pas chialer. Alors je bois (rires). À mon onzième verre je sais plus c’que j’fais alors ça m’émeut plus. Alors je cogne (rires). Alors ça m’donne soif (rires forts) Alors je r’bois ! (rires) Et après (crié) je casse (rires). N’importe quoi ! Comme une bête ! Ou alors je bats les femmes ! La mienne c’est différent (rires). La mienne elle (ton confident, rêveur) j’l’emmène à la campagne. Près d’une rivière. Là ousque y a des moustiques (ooh…) Et j’en profite pour lui fout’ des gifles ! (rires) (crié) à jeun ! (rires, homme plutôt). Comme ça elle tait sa gueule (rires). Sinon on la baffe (rires). Moi j’suis un primitif (rires). Faut qu’je vive comme une bête ! Mais c’est pas facile tous les jours. J’ai la société contre moi ! (rires) Elle pige rien à rien la société ! Elle conçoit pas (vociféré) qu’y a des gens i faut qu’i vivent comme des bêtes ! (rires) Mon Dieu j’ai soif pas vous ? (rires et applaudissements).
2. Textes de Billetdoux à propos de Ai-je dit que je suis bossu ?
2.1. Prière d’insérer
Texte manuscrit et dactylographié avec note au crayon : « Document remis à M. Mercier le 29/5/80 / Pour pub », BnF, Fonds Billetdoux, cote 4-COL-162 (250).
Ai-je dit que je suis bossu ?
Non. Ma bosse du vieil horloger Emmanuel est invisible. Mais il a cependant un vice de conformation au regard de la société urbaine d’aujourd’hui : il écoute, il est tout-oreille.
Et voilà qu’au septième étage de l’immeuble moderne qu’il habite, dans une banlieue typique des grandes villes, il va jusqu’à entendre un soir le sens élémentaire des gémissements d’une étrangère à peine aperçue, sa voisine qu’il devine comme une âme sœur derrière la cloison fragile.
À vouloir lui porter secours, il donne naissance dans la nuit à un lamento inattendu…
2.2. Article
Présentation de François Billetdoux « pour servir d’introduction à son œuvre stéréophonique : Ai-je dit que je suis bossu ? […] qui représenta l’ORTF au Prix Italia 1970 », Cahiers littéraires de l’ORTF, n°8, 15-30 janvier 1971, p. 3-4.
Dans la banlieue d’une grande ville, au septième étage d’un immeuble neuf, deux appartements de part et d’autre d’une cloison fragile. À gauche une femme blessée dans un accident gémit. À droite, un vieil horloger tremble pour cette étrangère.
Il veille sur elle, de l’oreille, nuit et jour, l’invente, lui parle en lui-même et se parle jusqu’au plus aigu du cœur. Ce soir, il croit pressentir qu’elle étouffe de la plus secrète douleur, celle qui vient de la solitude.
« Fais quelque chose, Emmanuel », se dit le vieil homme, comme on lui a dit souvent tout au long de sa vie, dans son enfance au loin, à travers les guerres, devant la médiocrité des choses. Et il ne sait pas pourquoi peu à peu s’ouvre en lui le cri d’un immense amour, à quoi fait réponse son âme sœur, de l’autre côté de la cloison, par une plainte de plus en plus haute, comme en des noces. Il meurt au petit jour.
*
Cet ouvrage a été conçu en marge d’études et de travaux de recherche, poursuivis parallèlement en différents domaines d’expression et dont l’objet ne saurait être défini en quelques lignes. Indiquons :
Le thème évoque un problème dont les données sont encore peu ou mal inventoriées : la pollution atmosphérique par les matières et les effets d’ordre sonore.
Le choix d’un tel thème a été fait à titre d’exercice, en vue en fonction des préoccupations proprement actuelles concernant « le milieu urbain ».
Le traitement s’inscrit dans la lignée d’une série d’essais portant sur le monologue considéré en tant que forme élémentaire de ce qu’il est convenu de nommer « situation dramatique », au-delà des notions de conflit et d’intrigue.
En outre, il a été tenté ici d’établir un rapport autre que celui du dialogue et du duo, entre l’expression parlée et l’expression chantée, ce genre de rapports ouvrant de nouvelles possibilités au langage lyrique.
Il a été demandé à l’artiste du chant, par improvisations concertées, de maintenir ses variations au-delà du cri mais en deçà du chant, en sorte de mettre en valeur les « passages » de l’un à l’autre.
La composition de l’ensemble est de nature musicale. Pour l’équilibre, un « graphisme sonore » a été réalisé à partir d’une guitare électrique, fondé notamment sur des trajectoires et des « taches » de diverses couleurs, permettant de signaler l’environnement par épure, de prolonger la résonance des motifs et de rendre sensibles les affinités de thème avec l’espace.
Le propos général tend à préparer l’élaboration d’une « partition dramatique », réunissant les éléments disparates qui peuvent entrer dans la constitution d’une écriture spécifiquement radiophonique.
Enfin, les moyens propres à la stéréophonie ont été utilisés jusqu’aux termes actuels des plus récentes expérimentations quant à l’ouverture et à la profondeur du champ sonore, les inscriptions ponctuelles, l’usage du gros plan et les déplacements.
Notes
[1] Monologues, Arles, Actes-Sud – Papiers, 1996. Réimpression en 2015.
[2] F. Billetdoux, « J’étouffe au théâtre », entretien avec Lucien Attoun, Les Nouvelles littéraires, 6 février 1969, p. 1. L’entretien présente aussi ce « jeu théâtral » comme « le premier Exercice d’une série d’Études scéniques à caractère expérimental ».
[3] Spectacle annoncé dans Le Figaro du 17 septembre 1968. « Sept personnages, placés devant sept portes, symbolisant sept lieux différents, n’ont aucun rapport entre eux soliloquent et se débattent chacun dans une situation dramatique particulière. Le spectateur est libre de choisir, d’écouter l’un ou l’autre personnage, sans se préoccuper de son voisin, comme dans la vie » (Geneviève Latour, « François Billetdoux », en ligne ici).
[4] F. Billetdoux, « J’ai écrit ma dernière pièce », Les Nouvelles littéraires, 17 août 1967.
[5] Witold Wołowski, « Soliloque, quasi-monologue, monologue », Roczniki Humanistyczne, LIII, z. 5, 2005, p. 81-104.
[6] Ils virent au monologue à la fin.
[7] « Sept plus moi », dactylographie corrigée par l’auteur d’un entretien de 1968 avec Lucien Attoun initialement destiné à accompagner le retour de Billetdoux à la scène, avec 7 + Quoi ?, un an après l’échec de Silence ! L’Arbre remue encore… au XXe Festival d’Avignon, BnF, Département des Arts du Spectacle, Fonds Billetdoux, 4-COL-162 (651). L’entretien est publié dans Les Nouvelles littéraires, sous une forme abrégée et très remaniée, sous le titre déjà cité « J’étouffe au théâtre ». Le Fonds Billetdoux conserve aussi le manuscrit d’un premier jet de l’entretien et sa mise au net dactylographiée.
[8] Entretien avec Agathe Mella, ancienne directrice de France-Inter puis de France-Culture, Cahiers d’Histoire de la Radiodiffusion, n°32, mars 1992, p. 56-72. Repris dans Pierre-Marie Héron (dir.), Les écrivains hommes de radio (1940-1970). Montpellier, Publications de Montpellier III, 2001.
[9] BnF, Fonds Billetdoux, Recueil de coupures de presse 1946-juin 1957, cote 4-COL-162 (818), article s.l. de 1946 signé J.B. Dans une interview de 1946 à Jean Espagnac conservée dans le même recueil, Jean Tardieu fait l’éloge du jeune homme : « Les variétés ? Eh bien, c’est le mérite de François Billetdoux de les avoir fait sortir de la vulgarité et de la simple chansonnette. L’essentiel de son effort est compris dans les Anes rouges. Poésie, parodie, satire, il y a de tout cela dans son émission. »
[10] Gisèle Martini, « Pot-pourri de spectacles à la Rose rouge », Combat, juillet 1953 (Fonds Billetdoux, Recueil de coupures de presse 1946-juin 1957, loc. cit.).
[11] S. n., « Petite suite en ré. Michel de Ré au Club de Paris », Arts, janvier 1954 (Fonds Billetdoux, Recueil de coupures de presse 1946-juin 1957, loc. cit.).
[12] C. Mégret, « Les Variétés », Carrefour, décembre 1952 (Fonds Billetdoux, Recueil de coupures de presse 1946-juin 1957, loc. cit.).
[13] Ibid.
[14] Monologues pour rire. Face 1 : « Le bon père », « Elle est pas belle la vie ? ». Face 2 : « L’autodidacte », « La bête ». Enregistrement public chez Milord l’Arsouille. Le dossier « Monologues pour rire » conservé au Fonds Billetdoux de la BnF, cote 4-COL-162 (678), contient le texte de quelques autres sketches.
[15] Remarquons à ce stade que Billetdoux écrit aussi dans les années Cinquante quelques sketches dialogués (Opéra biographique, À la chasse comme à la chasse…).
[16] P. D., « Les liaisons de M. Billetdoux », Le Monde, août 1954 (Fonds Billetdoux, Recueil de coupures de presse 1946-juin 1957, loc. cit.).
[17] « François Billetdoux nous parle de ses émissions », La Semaine radiophonique en octobre 1954. « En dehors de ce travail de radio », ajoute l’auteur, je m’éparpille en diverses activités, je présente un numéro de cabaret, j’écris quelques chansons, et naturellement, je couve des projets… Et quels projets : une comédie musicale avec Jean Wiener, et un roman, un vrai roman sérieux pour La Table ronde » (Fonds Billetdoux, Recueil de coupures de presse 1946-juin 1957, loc. cit.).
[18] Dans Océan du théâtre, série diffusée en 1972 (voir infra), Billetdoux éclaire aussi les racines psychologiques de son goût pour ce genre de monologue : « […] je manquais de racines et par jeux radiophoniques je pus me faire la preuve que j’avais plusieurs “voix”… Ces personnages, je pus aussi les éprouver au cabaret » (BnF, Fonds Billetdoux, 4-COL-178 (573-576), sixième émission).
[19] Billetdoux, au Club d’Essai, a fait travailler un Roland Dubillard (Amédée), plus tard un Jacques Dufilho.
[20] Dans La Foire Saint-Germain, on sent qu’il s’agit de spectacle en public, mais la gaieté entraînante de l’ensemble emporte le morceau.
[21] L’Avant-Scène, n°193, 15 mars 1959, p. 25. Pièce policière à deux personnages écrite pour l’émission Grand prix de Paris, animée par Pierre Cour.
[22] Ibidem.
[23] Entretien avec Agathe Mella, op. cit.
[24] François Billetdoux, Océan du théâtre. Douze et une émissions radio, avec la collaboration d’Odette Aslan, France-Culture, série Les Chemins de la Connaissance, à partir du 4 mars 1972, sixième émission, « La parole donnée ». Texte complet de la série au Fonds Billetdoux de la BnF, 4-COL-178 (573-576).
[25] François Billetdoux, Océan du théâtre, op. cit., neuvième émission, « La tentation de l’essentiel ».
[26] V. « Début d’enquête », l’avant-propos écrit par l’auteur en 1986 pour la réédition de la pièce chez Actes Sud, dans le volume Petits drames comiques.
[27] Dans Ai-je dit que je suis bossu ? les deux voix d’Emmanuel, « l’une dite réelle, en situation ; l’autre dite intérieure, quasi monophonique, marginale », ont toutes les deux « un caractère confidentiel, sauf à la fin où celle dite réelle s’épanouit » (note liminaire, Monologues, op. cit., p. 79).
[28] Une idée dont Michel Polac a fait une émission fameuse et durable des années Cinquante : Lecture à une voix. Billetdoux y sera deux fois l’unique lecteur de ses pièces, en 1965 (Le Comportement des époux Bredburry) ; en 1968 (larges extraits de Pour Finalie).
[29] Witold Wołowski, L’adialogisme et la poétisation du texte dramatique dans le théâtre de François Billetdoux, Lublin, TN KUL, 2005.
[30] L’influence du cabaret est sensible dans Comment va le monde Môssieu ? Il tourne Môssieu ! avec l’emploi des chansons, qui sont des monologues, mais pas dans les monologues parlés.
[31] V. dans ce dossier l’article de Jean Bardet sur « Le goût de l’expérimentation sonore dans Il faut passer par les nuages ».
[32] L’esprit du cabaret, où le spectacle allie musique (chanson) et théâtre (sketch), imprègne profondément la structure des pièces ultérieures de Billetdoux, comme elle oriente toutes ses « études », scéniques ou radiophoniques, sous des modèles musicaux variés.
[33] F. Billetdoux, « J’étouffe au théâtre », entretien avec Lucien Attoun, dactylographie du premier jet, op. cit.,
[34] En ne bruitant presque aucun des sons et mouvements du personnage indiqués ou suggérés dans les didascalies, la version radiophonique de Pilaf, sous-titrée « poème dramatique » et réalisée par l’auteur lui-même (in Combien as-tu d’oreilles ?, France Culture, ACR, 17 janvier 1971, durée 22 mn 50), donne plus d’importance encore au langage du personnage, tout en l’englobant dans un ensemble qui le musicalise et l’éloigne plus encore du genre « sketch ». Elle ajoute en effet à la version scénique une voix de femme, « la femme qui attend », dédoublée en voix parlée (Andromaque Tsoucalas) et voix chantée (Josette Aristarque), et des interventions à la guitare (Sébastien Maroto) : « […] écoutez-bien », dit Billetdoux en introduisant l’œuvre dans Combien as-tu d’oreilles ?, « comment la musique donne un sens aussi bien par le chant ou par la guitare que l’information transmise à travers un langage apatride ».
[35] F. Billetdoux, « J’étouffe au théâtre », entretien avec Lucien Attoun, dactylographie du premier jet, op. cit., f. 8.
[36] F. Billetdoux, « Début d’enquête », in Petits drames comiques, Arles, Actes Sud – Papiers, 1987 (préface de 1986 à la réédition de À la nuit la nuit).
[37] Ibid.
[38] F. Billetdoux, Monologues, op. cit..
[39] F. Billetdoux, « J’étouffe au théâtre », entretien avec Lucien Attoun, dactylographie du premier jet, op. cit., f. 7. La version publiée donne : « […] j’en suis arrivé à croire que le moment est venu – peut-être particulièrement en France – pour que commence à être possiblement réalisable ce qu’annonçait Lautréamont : “La poésie faite par tous et pour tous.” Assurément c’est là une vision idéaliste, mais lorsqu’on étouffe, il n’y a plus le choix. Pour ma part, j’étouffe et il me paraît que l’art est devenu le besoin primordial en Occident. » (op. cit.)
[40] Deux autres monologues, Glocks et Segond, restés inédits, devaient en effet permettre de varier encore un peu plus le jeu.
[41] Niania la nuit, « Étude de François Billetdoux », réal. stéréophonique de Georges Peyrou, France-Culture, 27 mars 1971, dans le cadre de la 10e Journée mondiale du théâtre (prod. : Lucien Attoun et Georges Peyrou). Dactylographie conservée au Fonds Billetdoux de la BnF et au Bureau des manuscrits de Radio France. Comme pour Femmes parallèles à la scène, liberté est laissée au réalisateur d’orchestrer les interférences entre les trois soliloques ‒ rebaptisés Élément X (Gnagna), Élément Y (Bagage), Élément Z (Machin-tout-court) ‒, avec la contrainte supplémentaire d’éviter toute superposition de voix, encore plus cacophonique pour une oreille seule qu’au théâtre. Notons que dans l’édition de Monologues, c’est Pilaf et non Machin-tout-court qui est associé à Bagage et Gnagna, dans une note évoquant « la composition de la présentation scénique » (op. cit., p. 68).
[42] op. cit..
[43] On pointera dans cette Note liminaire l’affleurement d’un vocabulaire discrètement religieux, avec l’emploi du mot « prochain » et la mise entre guillemets de l’expression « petite espérance », qui renvoie à Charles Péguy et par lui à un certain prophétisme spirituel français du XXe siècle (Le Porche du mystère de la deuxième vertu, 1912 : « Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance. / Et je n’en reviens pas. / Cette petite espérance qui n’a l’air de rien du tout. / Cette petite fille espérance. »)
[44] Avis de l’auteur en tête de Monologues, op. cit..
[45] Ibid.
[46] L’édition du texte chez Actes Sud – Papiers donne la version scénique, précédée d’un Avis de l’auteur écrit pour la création de la pièce.
[47] « Carte blanche à… François Billetdoux. En quoi la radiodiffusion a des rapports avec le son », Micro et caméra, n°54, 1974, p. 10.
[48] Manuscrit de la 1ère version du texte ci-dessus, passage retiré de la version finale.
[49] Id., p. 9.
[50] Ibid. Le « prospectus » (préface parlée) de Combien as-tu d’oreilles ? s’ouvre sur ces mots : « Ici, François Billetdoux / Ici, c’est à quelques-uns que je parle. / À ceux qui ont le désir d’entendre et le besoin d’écouter. »
[51] F. Billetdoux, texte manuscrit destiné à la publicité de l’œuvre, daté du 29 mai 1980, BnF, Fonds Billetdoux, cote 4-COL-162 (250). Reproduit ci-après dans la section « Documents ». Le titre de l’œuvre est emprunté au Moulin de Pologne de Giono : c’est la question que pose le narrateur à son auditoire au milieu de son récit.
[52] Monologues, op. cit., p. 96.
[53] F. Billetdoux, texte de présentation de l’œuvre, Cahiers littéraires de l’ORTF, n°8, 15-30 janvier 1971, p. 3-4. Reproduit ci-après dans la section « Documents ».
[54] Cahiers littéraires de l’ORTF, op. cit.,
[55] « Ai-je dit que je suis bossu ? : oratorio en quelque sorte », BnF, Fonds Billetdoux, cote COL-162 (251).
[56] « Réflexions et propositions sur le vers français » (1925), repris dans Réflexions sur la poésie, Gallimard, 1963, « Folio Essais ».
[57] Cahiers littéraires de l’ORTF, op. cit.,
Auteur
Pierre-Marie Héron est professeur de Littérature française à l’université Paul-Valéry Montpellier et membre de l’Institut universitaire de France. A notamment publié des études sur Genet (Gallimard, 2003), Jouhandeau (PU Limoges, 2009) et Cocteau (PUR, 2010). Spécialiste des relations entre les écrivains et la radio en France au XXe siècle, il a dirigé plusieurs ouvrages sur le sujet. Derniers titres parus : Écrivains au micro. Les entretiens-feuilletons à la radio française dans les années cinquante (PUR, 2010); Jean Cocteau. Pratiques du média radiophonique (co-dir. avec Serge Linarès, Minard, 2013), Les radios de Philippe Soupault (dir., Komodo 21, 2015).
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