Michel Butor et la radio
Pierre-Marie Héron, Patrick SuterRésumé
MICHEL BUTOR, lisant. « Il en fait trop : non seulement le théâtre, mais le roman, non seulement les invectives, mais les chansons, les petites épopées, mais le promontoire du songe ; non seulement la littérature, mais le dessin. Il finira par nous prendre toute la place ! […]
Il écrit trop : les volumes s’accumulent, les éditions prolifèrent, fourmillent de notes ; on ne peut plus suivre. »
DAVID COLLIN. Est-ce que Michel Butor se reconnaît […] dans ce portrait critique et caricatural, pourrait-on dire ?
MICHEL BUTOR. Oui, je me reconnais, bien sûr. Il y a beaucoup de choses qu’on a dites de moi là-dedans. Seulement, évidemment, j’ai beaucoup moins écrit que Hugo. J’ai énormément écrit, ça, je le reconnais [Rire de David Collin]. J’avoue, j’avoue. Mais ce n’est rien à côté de ce qu’il a écrit. Incroyable, la quantité de textes qu’il a produits, avec des tas de versions. Donc, je suis une petite nature à côté de lui.
Ainsi s’exprime Michel Butor lors de la toute dernière émission réalisée avec lui à la Radio Suisse Romande, consacrée à l’anthologie qu’il vient de publier sur Hugo, quatre mois environ avant son décès survenu le 24 août 2016. « L’écriture poulpe », qui sert d’exergue à cette anthologie, et dont il lit ici un extrait, est une sorte d’inventaire des propos vindicatifs tenus à l’égard de Hugo, dont Butor admet volontiers qu’ils le décrivent lui aussi – comme si la publication de son anthologie était une sorte d’écho envoyé à celui qui disait « Ego Hugo ». Ce qui est tout à fait surprenant, cependant, c’est la façon dont Butor se présente en écrivain beaucoup moins prolifique, et en « petite nature » par rapport à son aîné – cette modestie ne servant pas à dissimuler l’orgueil qu’il y aurait à s’y égaler. Butor affirme bien une différence entre l’auteur des Châtiments et lui-même, qu’attestent maintes autres attitudes – et en particulier son refus de devenir « le vers personnellement » (selon l’expression de Mallarmé), pour n’adopter qu’une versification minimale et facilement attaquable par ses défauts apparents (au regard d’une tradition qui ne considère une suite de syllabes comme un vers que si elle a un aspect incantatoire et musical).
Sommaire du numéro
Le manège radiophonique de Michel Butor
Pierre-Marie Héron, Patrick SuterMICHEL BUTOR, lisant. « Il en fait trop : non seulement le théâtre, mais le roman, non seulement les invectives, mais les chansons, les petites épopées, mais le promontoire du songe ; non seulement la littérature, mais le dessin. Il finira par nous prendre toute la place ! […] Il écrit trop : les volumes s’accumulent, les éditions prolifèrent, fourmillent de notes ; on ne peut plus suivre. » DAVID COLLIN. Est-ce que Michel Butor se reconnaît […] dans ce portrait critique et caricatural, pourrait-on dire ? MICHEL BUTOR. Oui,...
Lire la suiteL’Œil des Sargasses de Michel Butor, poème d’ondes
Céline PardoL’Œil des Sargasses est un poème de Michel Butor qui a connu plusieurs états éditoriaux et médiatiques. Il a notamment fait l’objet en 1970 d’une mise en ondes à l’Atelier de création radiophonique pour laquelle Butor apporte le concours de sa propre voix. Avec cette collaboration artistique nouvelle, qui détourne temporairement Butor de son dialogue avec le graveur Gregory Masurovsky, le poète poursuit une réflexion tant sur les possibilités expressives du médium radiophonique, sur l’imitation musicale en poésie, que sur le...
Lire la suiteCentre d’écoute de Michel Butor et René Koering
Marion CosteDans cette œuvre radiophonique, Michel Butor et René Koering multiplient les évocations de lieux, tout autour de la planète. S’inscrivant dans une perspective écopoétique, l’article étudie comment ils utilisent les moyens de la radio et de la musique pour faire de la littérature un art de l’espace, pour réinventer les liens entre le lieu et le langage. Il examine d’abord comment le texte cite toutes sortes d’œuvres reflétant la façon dont la littérature et la radio ont tenté de rendre...
Lire la suiteSur les dernières pièces radiophoniques « allemandes » de Michel Butor
Ludger SchererQuatre pièces radiophoniques de Michel Butor ont été produites avec succès par la radio allemande, bénéficiant de la forte tradition du genre en Allemagne. Cet article se concentre sur les dernières œuvres, à savoir Der Bahnhof Saint-Lazare (1968) et Beschreibung von San Marco (1970), qui ont été très peu étudiées jusqu’ici. Les deux productions de la fin des années 1960 s’inscrivent dans l’avant-gardisme de l’époque, en utilisant les procédés techniques avancés, par exemple la stéréophonie. En comparaison avec les textes...
Lire la suiteUn duo sonore
Pierre-Marie HéronUn aspect de la réforme des « grands entretiens » de France Culture en 1975 a consisté à donner le plus souvent possible à des écrivains le rôle de l’intervieweur. Après Michel Chaillou, Georges Perec, Édouard Maunick ou Jean Daive interrogeant Michel Deguy, Claude Ollier, Maurice Nadeau, Aimé Césaire ou Georges Perros, voici Michel Butor tendant le micro à Camille Bryen, dans une série en cinq parties de vingt à vingt-cinq minutes diffusée sur France Culture du lundi 5 avril...
Lire la suiteUne semaine d’escales musicales et radiophoniques
Jean-Yves BosseurDans Une semaine d’escales ou les sept oreilles des virages de la nuit, une série de sept épisodes tout à la fois musicaux et poétiques conçue pour France Musique (5-11 novembre 1977), Michel Butor réalise un vaste brassage de quelques-unes de ses musiques de prédilection. Il retranscrira quelques années plus tard ces émissions dans un texte publié en 1982 et intégré à Répertoire V.
Lire la suiteMichel Butor, le temps infinitif… et la radio
Kaye MortleyÀ plusieurs reprises, j’ai sollicité la participation de Michel Butor dans mes « documentaires de création ». Le documentaire de création est un produit radiophonique curieux : ni Hörspiel, ni art acoustique, ni fiction, ni musique – surtout pas ce qu’on appelle un « reportage » – il est hybride, mutant, un peu orphelin… Et s’il semble puiser sa matière dans le réel, c’est l’imaginaire qu’il prise.
Lire la suiteSéquences pour explorer le laboratoire radiophonique de Michel Butor
Patrick SuterDe 1957 à 2016, Michel Butor a participé à de très nombreuses émissions radiophoniques (et parfois télévisuelles) sur les ondes de la Radio Télévision Suisse. Ces séquences ont pour but d’étudier les différentes figures de Michel Butor sur les radios suisses, ses contributions extrêmement diversifiées, ainsi que ses modes d’expérimentation spécifiques au medium radiophonique.
Lire la suiteL’adresse de Michel Butor
Mireille Calle-GruberMichel Butor a fait de l’entretien radiophonique un exercice de style à part entière : où il est moins question de parole que d’écriture. L’écrivain sur les ondes ne renonce pas à la phrase littéraire, il parle comme il écrit. Dès lors, être « Butor » à la radio devient un défi. Ce défi est relevé par le jeu subtil de l’adresse, ici analysé à la faveur de deux séquences : un entretien sur France Culture, un entretien sur Radio Aligre....
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