Abstract
Nicole-Lise Bernheim (1942-2003) was a writer, a journalist, a radio producer, a world traveler and a feminist activist. Since 1978 she was part of the team of Nuits magnétiques and produced about thirty broadcast, interrupting this work only during major trips in the 80s. Her choice of radio art is anchored in an aesthetic reflection that sees the priority of sound over image as an important creative potential. Her style as radio producer emphasized the sensitive elements: the music, the silence, and in an almost obsessive way, the noises of waves and the sounds of bells. Before it was a focus of Nuits magnétiques, she often used autobiographical narrative. Finally, she employed a lot of questions that did not necessarily require answers. In an interview with Alain Veinstein, she summarized her way to be on the radio with the expression “questioning look”.
Keywords
Alain Veinstein, radio creation workshop, magnetic nights, Nicole-Lise Bernheim, Marguerite Duras, India Song, judaism, autobiographie
Les premiers mots qui viennent à l’esprit quand on découvre le travail littéraire et radiophonique de Nicole-Lise Bernheim sont ceux de richesse et de diversité. Née en 1942 à Périgueux où sa famille juive alsacienne [1] s’était réfugiée après l’exode, décédée prématurément le 10 avril 2003 à Strasbourg, Nicole-Lise Bernheim a été à la fois écrivaine, journaliste, productrice à la radio et grande voyageuse, ainsi que de façon plus marginale, scénariste et actrice de cinéma. Elle était également féministe et femme engagée.
C’est donc dans un contexte créatif et intellectuel particulièrement large et diversifié que s’inscrit son travail pour la radio. Il s’agira ici de cerner l’originalité de celui-ci, de voir comment il se situe par rapport à d’autres pratiques et quelles évolutions il a connu mais aussi de mettre en évidence les liens entre les activités de Nicole-Lise Bernheim comme productrice et les autres domaines où elle a créé ou exprimé ses convictions.
1. Une expérience fondatrice
Il y a eu dans le parcours intellectuel et artistique de Nicole-Lise Bernheim une expérience fondatrice : celle de la participation au tournage du film de Marguerite Duras, India Song. Celle-ci, contemporaine de ses débuts à la radio, a été à l’origine à la fois du premier livre qu’elle a publié et de ses choix esthétiques comme productrice.
Le lien entre Marguerite Duras et la radio est contradictoire [2]. Il y a chez elle une prise en compte ambiguë du statut artistique de ce media : elle a souvent eu recours à la radio pour faire connaître ou transposer des œuvres existantes et souvent participé à des émissions mais, à la différence de ses contemporains de l’école du Nouveau Roman, elle n’a jamais écrit directement de pièce radiophonique. On peut cependant constater une coïncidence profonde entre le statut de la voix à la radio et celui qu’elle lui donne à la fois au théâtre et dans ses films. Son théâtre est plus un théâtre de la parole qu’un théâtre des images ou alors d’images dans un sens particulier révélant un « manque à voir ». Même chose dans son cinéma qui réévalue constamment le statut du son. On connaît la déclaration paradoxale de Duras : « On croit que le cinéma c’est l’image, mais le cinéma c’est le son [3]. »
Duras, qui avait publié en 1973 le livre India Song, a d’abord enregistré la pièce comme Atelier de création radiophonique en avril 1974, puis tourné le film durant l’été de la même année, de façon muette, créant ensuite la bande-son en grande partie à partir de l’enregistrement radiophonique. La pièce pour les ondes a été diffusée pour la première fois en novembre 1974 et le film est sorti au printemps suivant.
Il s’agit d’une expérience créative particulière qui inverse les priorités traditionnelles (de l’image sur le son) à laquelle Nicole-Lise Bernheim a participé. Dans le générique d’India Song, son nom figure deux fois : elle est l’une des « voix de la réception » et « stagiaire son ». Plus tard elle aimera affirmer que pour elle la radio est première, antérieure à sa pratique du cinéma ou du théâtre, en parfaite harmonie donc avec la conception durassienne de la voix.
De l’expérience du tournage d’India Song, elle tire son premier livre : Marguerite Duras tourne un film, publié en 1975 chez Albatros. Ce livre est conçu et structuré sur le même modèle qu’une émission de radio et ressemble à ce que sera plus tard le travail de Nicole-Lise Bernheim pour ce média. Il est en effet constitué d’interviews successives, initiées, comme elle le fera ultérieurement pour Nuits magnétiques par une question très large ; ici, la façon dont chacun ressent le fait de travailler avec un « metteur en scène » qui est une femme. De façon totalement démocratique et horizontale, cette question est posée à tous les participants au film (maquilleuse, coiffeuse, comédiens, producteurs, Duras elle-même, tous les acteurs, dont Delphine Seyrig, Michael Lonsdale, etc.) et sert de prétexte ou de point de départ à l’expression de points de vue sur le cinéma, ce film en particulier, l’écriture de Duras, le féminisme…
Dans l’interview d’elle-même mené par l’acteur Claude Mann, elle affirme le caractère exceptionnel de ce tournage :
Non, là…c’était le premier tournage auquel je participais. Et j’ai été fascinée, au sens très fort du terme, par Marguerite Duras. J’ai aussi eu l’impression que, par rapport à ce que disent mes amis quand ils participent à des films, il se passait quelque chose de différent sur ce tournage [4].
Elle reconnaît la présence d’une démarche radiophonique sous-jacente au livre. À la question « Pourquoi as-tu eu envie d’interviewer […] ? », elle répond : « […] je fais de la radio depuis deux ans et demi. Avant, je faisais du travail de marketing. J’ai l’habitude de demander aux gens de répondre à mes questions. J’aime bien parler avec les gens [5]. »
Il s’agit pour Nicole-Lise Bernheim d’une expérience fondatrice à partir de laquelle se sont développés parallèlement une œuvre littéraire polymorphe et une activité de productrice radio. Malgré son grand intérêt pour le cinéma, auquel elle consacrera de nombreuses émissions, elle ne s’engagera pas très loin dans cette voie. Elle a néanmoins joué de petits rôles à trois reprises (toujours dans des films de femmes) et son nom figure parmi les trois scénaristes du film Clara de Helma Sanders-Brahms, sorti plusieurs années après son décès [6].
2. Nicole-Lise Bernheim, écrivaine et femme engagée
Choix assumé de l’autobiographie, humour, importance des voyages et de l’ailleurs, arrière-plan féministe, curiosité pour des dispositifs originaux d’écriture caractérisent les sept livres publiés par Nicole-Lise Bernheim dans la foulée de Marguerite Duras tourne un film.
En 1978, les éditions Régine Deforges éditent Pourquoi les lions baissent la tête, récit à partir de souvenirs d’enfance. Mersonne ne m’aime, publié la même année, a été écrit à quatre mains par Nicole-Lise Bernheim et Mireille Cardot. Il s’agit d’une romance policière, un ouvrage perecquien et plein d’humour. Une écrivaine est assassinée et un groupe de femmes se met en quête de l’assassin. Un policier devenu fou déforme les mots et confond le m de mère et le p de père, d’où le titre. Cet ouvrage fera l’objet d’une adaptation pour la télévision et sera diffusé sur Antenne 2, le 26 juin 1982. Suivra en 1980 le recueil de nouvelles Les hommes-spirale, livre constitué de 49 courts récits, micro fictions avant la lettre, que l’auteur désigne comme des « portraits », narrant des rencontres avec des hommes dans une perspective à la fois autobiographique et féministe. Elle explore également, comme elle l’a fait sur le mode de l’humour dans son livre précédent, la question de l’appropriation par les femmes d’un langage façonné par les hommes pour parler de sexualité. Selon une démarche plus tard considérée comme caractéristique de l’autofiction, elle provoque des rencontres pour ensuite les décrire et les intégrer à sa galerie de portraits masculins. Enfin en 1984, elle renonce au côté expérimental et publie L’Aigle et la soie, roman d’aventure et récit historique, où se croisent les thèmes du voyage, de la liberté féminine mais aussi du lien avec Strasbourg et l’Alsace, lieu de l’origine familiale. De ce livre, elle a dit qu’il n’avait aucun lien avec la radio mais davantage avec le cinéma qui lui servi de modèle [7]. On peut constater – et il s’agit d’un point de vue assumé – que la radio est associée à l’expérimentation et le cinéma à un retour vers un certain classicisme.
Ses trois livres suivants seront des récits de voyage : Chambres d’ailleurs en 1986, Saisons japonaises en 1999 et Couleur cannelle en 2002.
Enfin en 2002, elle publie un essai, La Cloche de 10 heures. Radiographie d’une rumeur, chez l’éditeur alsacien La Nuée bleue, ouvrage qui reprend la matière d’une émission de radio de deux ans antérieure [8] et qui, à l’instar de son premier ouvrage, s’inspire d’un dispositif radiophonique, puisqu’il est constitué de récits de rencontres et d’entretiens.
Dans les années 80, Marie-Lise Bernheim s’est lancée dans l’expérience de grands voyages. Dans l’un des livres rapportés de ses périples, elle explique que c’est suite à un héritage [9] qu’elle a pu s’engager dans cette aventure. Elle est partie une première fois en 1982 et 1983, en Asie, Chine, Inde, Japon, Népal, Pakistan, Sri Lanka, etc. Elle a effectué ensuite un voyage dans le Nord-Est du Canada en 1986 avant de retourner au Japon dans les années 90 : en 1995 pour un travail de journalisme, puis en 1997 pour un séjour plus long, invitée par la Fondation du Japon. Outre trois livres, elle a rapporté de ses voyages matière à de nombreuses émissions de radio.
Elle peut être considérée comme un « écrivain voyageur » puisque ses voyages en Orient ne sont pas simplement du tourisme ou une expérience intellectuelle mais engagent complètement sa personne et sont partie prenante d’un projet littéraire.
Parmi d’autres caractéristiques de ses séjours, on peut noter le fait qu’elle a voyagé de façon aventureuse et précaire, dormant dans des lieux sans confort, utilisant tous types de moyens de transport, dont certains assez dangereux. Elle ne se protégeait pas. Elle a été irradiée en Inde. Le lecteur de Chambres d’ailleurs ne peut que frémir en lisant :
L’océan est souillé, il s’y produit une répugnante écume grise qui modifie son goût et son odeur. Nous avions cru à une marée noire, nous nous y sommes baignés, nous avons mangé ses poissons, ses langoustes […] L’Inde, jeune puissance nucléaire, ne fait pas attention à ses déchets, les rejette à la mer qui est faite pour ça ; nous sommes contaminés, les animaux aussi [10].
Enfin, elle a été une femme d’engagements. Elle se disait féministe mais d’un féminisme non agressif, ouvert aux hommes. Au moment de la publication du livre Les hommes-spirale, elle répond sur les ondes aux questions de Gilles Lapouge à propos de son « féminisme » et se dit « à contre-courant de la ligne, s’il y en a une, qui s’est développée dans beaucoup de livres de femmes », déclarant : « je ne revendique pas du tout, je décris des situations que je vis et que beaucoup de femmes partagent [11] ». Elle souhaite limiter son propos au vécu féminin, en évitant la théorie et le dogmatisme, d’où quelques réactions violentes au sein même du camp qu’elle défend.
Il semble que l’un de ses principaux combats ait consisté à faire connaître les femmes cinéastes. Dès ses débuts à la radio, elle consacre une émission à la pionnière du cinéma, Alice Guy. En 1974, elle a créé avec quatre femmes un festival international de films de femmes (Musidora) et une association du même nom dédiée au cinéma féminin [12]. Ces choix sont emblématiques d’une démarche constructive et non polémique. Elle ne se révolte pas ouvertement contre le peu de place des femmes comme réalisatrices de cinéma, mais s’efforce de mettre en avant celles qui se sont imposées dans un univers masculin [13].
3. Son parcours de productrice pour la radio
Elle avait une voix à la fois douce et claire, aux tonalités juvéniles, qu’elle utilisait fréquemment dans le registre de la confidence mais aussi dans celui de l’analyse ou de la démonstration. Elle parlait de façon posée et savait user de l’ironie légère.
On peut distinguer quatre moments dans sa carrière radiophonique.
Entre 1973 et 1978, on trouve trace de son travail à France Culture dans quelques émissions : Cinémagazine, Le Monde insolite, Cinéastes sans images, etc. À l’exception d’une émission sur un marché aux puces, toutes ses productions sont en relation avec la question des femmes, de l’image ou plutôt du corps des femmes, du cinéma fait par des femmes et de Marguerite Duras. Le 9 mars 1975, elle produit une émission sur les reines de beauté, le 2 juillet 1975, le reportage mentionné ci-dessus sur Alice Guy. Les autres émissions sont toutes dédiées à Marguerite Duras.
Entre 1978 et 1981, elle s’engage complètement dans l’aventure des Nuits magnétiques. Elle intègre cette équipe dès ses débuts. Alain Veinstein a déclaré lors de l’émission d’hommage de France Culture après son décès : « Je l’ai recrutée [14]. »
Durant la seule année 1978, elle produit quatorze Nuits, toujours avec un ou une partenaire (Gilbert Duprez, Claire Clouzot, Bruno Sourcis, Liliane de Kermadec) et est présentatrice dans plusieurs autres. Six autres suivront entre 1979 et 1981.
Certaines de ces séries ont fait date. Par exemple « L’espace des hommes », diffusé la première fois du 8 au 12 mai 1978, a été rediffusé à plusieurs reprises, notamment, le 6 mai 2003 lors de l’hommage que France Culture lui a rendu après son décès.
Mais on peut également citer des reportages comme celui qui est consacré au 31e festival de Cannes, diffusé entre le 2 et le 6 mai 1978, dont elle a produit les cinq émissions hebdomadaires, qui toutes se terminent par une note subjective, désignée à partir du troisième soir comme « Les lettres de Cannes de Nicole-Lise Bernheim ». Ou encore « En train pour 1979 », suite d’émissions consacrées au train, dans toutes ses dimensions et avec toutes les résonances affectives possibles (souvenirs d’enfance, rencontres dans les trains, sexualité dans les trains, etc.) Ou encore l’émission (unique cette fois) « Place des Abbesses », rêverie sur la place où elle habite, entretiens avec des habitants du quartier et des urbanistes, etc. À l’instar des Nuits magnétiques de ses collègues, il est difficile de définir le genre de ses productions : reportages quelquefois ou documentaires mixtes, majoritairement artistiques mais où la parole des experts n’est pas absente.
Une troisième étape de son travail pour la radio se situe entre 1981 et 1991. Durant cette décennie, elle ne produit plus d’émissions pour Nuits magnétiques. Ses contributions se diversifient et s’interrompent pendant de longues périodes.
Il y a d’abord un blanc de trois ans. Elle est absente des ondes entre 1981 et 1984. Ce qui correspond à la première époque de ses voyages en Asie. Elle revient à la radio en 1984, mais disparaît de nouveau en 1985 et en 1987. Elle travaille alors pour des émissions comme L’Échappée belle, La Matinée des autres ou Perspectives scientifiques. Elle évoque dans celles-ci des régions du Québec, s’intéresse à l’amiante, aux écrivains voyageurs ou à l’alpinisme. On est dans une autre sphère que précédemment, plus documentaire, moins expérimentale.
Parallèlement à cela, elle participe à la création de fictions radiophoniques : La Grande Revue gothique [15] (avec Alfredo Arias), l’adaptation pour la radio de son roman Mersonne ne m’aime [16], un journal de voyage dans le nord du Canada, Voyage au pays des esprits, du vent et des étendues sauvages [17], ainsi qu’une adaptation pour la radio d’une nouvelle d’Oscar Wilde [18].
Quatrième étape : dans les années 90, elle revient vers la radio de création, produit quatre Nuits magnétiques, ainsi que trois Ateliers de création radiophonique.
Quand elle est productrice pour Nuits magnétiques, il s’agit toujours d’une émission unique (deux dans un cas) et non d’une série comme lors des débuts de l’émission. Ces productions ont toujours un référent initial géographique. C’est le cas pour « Rue des nostalgies » sur la rue des Rosiers, le quartier du Marais et le souvenir d’un monde perdu lié au judaïsme, ou pour le reportage intitulé « Bouvard et Pécuchet », sur le quartier du canal Saint-Martin. Elle produit ensuite en 1992, toujours pour Nuits magnétiques, deux émissions sur Monte-Carlo, originales car tournant le dos à toute approche touristique, riches en entretiens avec les personnes ordinaires qui y habitent et en réflexions sur le côté excentré, marginal de la principauté. Sa dernière contribution à Nuits magnétiques est en 1997, deux ans avant la fin de cette émission, une production en deux volets avec Colette Fellous sur le vêtement dans le monde.
On la retrouve pendant la même période, productrice de trois Ateliers de création radiophonique : « Jours d’hiver à Berlin » (1992) ; « Jours d’été à Lavaur » (1996) et « Kyoto, vert mousse » (1998). Chaque fois, l’ancrage de l’émission est géographique mais celui-ci ne constitue qu’un point de départ ou un prétexte. Dans l’émission sur Berlin il est longuement question de la Shoah et du souvenir de la seconde guerre mondiale, tout comme de la chute du mur et de simples questions d’urbanisme. Le reportage sur Lavaur, village de Dordogne, est un « essai radiophonique », une enquête autobiographique sur le village où elle a vécu sous une fausse identité pendant la seconde guerre mondiale, quand sa famille devait se cacher parce qu’elle était juive. Cette émission a reçu le prix de la SCAM. De même le reportage sur Kyoto ne porte pas seulement sur cette ville mais également sur l’architecture et l’art japonais.
Comme lors de la période précédente, Nicole-Lise Bernheim est aussi auteur de fictions radiophoniques. Elle produit avec Mireille Cardot une fable burlesque intitulée « Hourra sur le baudet », qui a été diffusée l’après-midi pendant cinq jours en novembre 1996.
Parallèlement à ces contributions, elle est productrice ou présentatrice d’émissions liées aux voyages pour L’Échappée belle, L’Usage du monde, La Matinée des autres, État de faits et Carnets de voyage. À côté du Japon et du Sri Lanka, on peut noter dans son travail un retour d’intérêt pour des thèmes géographiquement proches : une enquête sur une boucherie alsacienne et un reportage sur la culture de l’olive à Nyons.
4. Ses choix comme productrice
Si l’on tente de rassembler quelques constantes du travail radiophonique de Nicole-Lise Bernheim, on peut commencer par remarquer le fait qu’elle a eu à cœur de ne jamais oublier le sensible, c’est-à-dire les voix, le silence, la musique. Le bruit des vagues et celui des cloches sont donnés à entendre de façon répétitive dans ses émissions. On entend la mer dans les contrepoints personnels sur lesquels se terminent les Nuits magnétiques consacrées au festival de Cannes en 1978, où elle se met en scène sur la plage. Le premier de ces contrepoints est une sorte de poème sur fond de bruit de vagues, à partir de la répétition de la phrase « Tu entends la mer ». Les deux émissions sur Monte-Carlo font constamment entendre le son des vagues. Il y a des bruits de cloche dans « Place des Abbesses », dans « La cloche des Juifs » et dans la plupart des émissions qu’elle a consacrées à des quartiers de Paris. Elle arrive ainsi à créer un univers sensible personnel, facilement reconnaissable. À propos de la place des Abbesses, elle dit : « Le vent se lève, cette place c’est comme une plage… Paris au loin, c’est comme la mer… »
Le silence est également très présent dans ses émissions, non seulement quand elle parle seule au micro mais aussi quand elle s’adresse à un interlocuteur, dont elle attend longuement les réponses, sans tenter de meubler les silences qui s’intercalent. Par exemple les « Lettres de Cannes » évoqués ci-dessus donnent à entendre non seulement les vagues mais aussi le silence.
On pourrait dire la même chose des bruits de rue, de café lors d’entretiens avec des personnes ordinaires, ou du train dans la série qu’elle lui a consacré où on l’entend, y compris dans la diction saccadée des intervenants.
La musique est également importante dans ses émissions. Difficile de se représenter « L’espace des hommes » sans les airs d’Offenbach qui à la fois servent de contre-point, de clin d’œil humoristique mais aussi de reformulation sensible des clichés sur la masculinité qui jalonnent l’émission. De même toutes les émissions des années 80 et 90 dont le référent premier est géographique (lointain ou européen) donnent à entendre de larges extraits de musique populaire ou folklorique (accordéon parisien, chants juifs, musiques indiennes etc.), qui n’illustrent pas simplement des paroles mais font partie du propos de l’émission.
La nuit enfin, celle du titre des émissions et celle de l’heure de diffusion est complètement prise en compte dans ses premières productions. Elle tente de la faire sentir, de la mettre dans le contenu et pas seulement dans le cadre de son travail, par exemple lorsqu’elle présente en 1978 le 4e festival du cinéma de Paris, elle interroge des acteurs et des cinéastes sur ce qu’est la nuit pour eux, tentant, par approches successives, de dire et d’une certaine façon de faire entendre la nuit.
Une autre manière pour elle de mettre le sensible en avant est l’attention qu’elle porte au corps et en particulier au corps des femmes. Cette question comme celle de la sexualité ne sont jamais oubliées dans son travail. En 1981, elle consacre une Nuit magnétique à la question « Qu’est-ce qu’on fera quand on sera gros ? » dont le thème est, comme l’indique le titre, le fait d’avoir un corps différent de la norme, et le ressenti émotionnel de ceux qui sont dans cette situation. De même « L’espace des hommes » donne à entendre des confidences sans tabou, où il est question de la façon dont les hommes ressentent leur propre corps.
Une autre constante de ses émissions est l’élan vers les marges et l’altérité. Elle s’intéresse toujours aux autres les plus humbles, les plus ordinaires et les plus lointains. On peut mentionner à ce propos le recours constant dans ses reportages à la parole des anonymes, rencontrés dans la rue. Par exemple dans la série « L’espace des hommes », c’est à des inconnus, dans un bar, qu’elle pose en premier la question « qu’est-ce que c’est pour vous qu’être un homme », avant de demander la même chose à des artistes ou des psychologues. La parole de personnes ordinaires est présente dans toutes ses enquêtes ; dans « Place des Abbesses », les anonymes sont écoutés avant les experts en urbanisme et parmi eux se trouvent majoritairement des pauvres, des marginaux.
L’ailleurs géographique, celui de ses voyages, est également matière à élaboration radiophonique et même la principale matière à partir de 1984. Lors de son reportage en 1978 sur le festival de Cannes, le soir elle s’éloigne de la ville et enregistre depuis la plage, à distance de l’agitation, dans une sorte de marge. Elle aime les lieux sauvages, oubliés. Nombre de ses reportages portent sur des pays très pauvres, exclus du développement, comme le Sri Lanka.
Bien avant, semble-t-il, que la parole autobiographique ou autofictionnelle n’acquière le statut qu’elle a aujourd’hui, Nicole-Lise Bernheim a intégré la parole sur soi et son histoire à de nombreuses émissions. Elle s’est prise souvent elle-même comme sujet de son discours radiophonique. Lorsqu’elle est sur la plage en marge du festival de Cannes, elle parle d’elle, de son éloignement d’un homme auquel elle dit le désir de le revoir ; un autre soir, elle avoue un échange de regards avec un autre homme qui lui a plu. Ces passages sont à la seconde personne et ces moments en viennent à être désignés comme des lettres de Nicole-Lise Bernheim. De tels moments de parole jouent aussi sur l’ambiguïté du destinataire. Par exemple lorsqu’elle déclare au cœur de la nuit : « Je pense à toi qui n’es pas là. Je me demande comment serait cette ville avec toi si tu étais là sur le sable. Que fais-tu ce soir ? », l’auditeur peut avoir l’impression que cette voix féminine s’adresse à lui et elle joue de cette ambiguïté.
De nombreux passages autobiographiques sont également présents dans « En train pour 1979 ». Dans un moment particulièrement intense, elle évoque une rencontre en train avec son père qu’elle n’a pas vu depuis longtemps et qui revient du camp de concentration où il avait été déporté. Plus tard dans la même émission, il y a des confidences sur des rencontres érotiques en train. La place des Abbesses, évoquée dans une autre Nuit magnétique, est la place où elle habite (elle dit « ma place »), elle se met en scène chez elle (« De ma fenêtre, là, maintenant je la vois… »), les habitants du quartier qu’elle interroge la connaissent, etc. Même recours à des souvenirs personnels dans « Qu’est-ce qu’on fera quand on sera gros ? » (le on du titre étant déjà révélateur de cette perspective). L’enquête sur son enfance est enfin le thème principal de l’Atelier de création radiophonique « Jours d’été à Lavaur » où elle tente de retrouver dans ce village des personnes ayant connu sa famille lorsqu’elle se cachait pendant la guerre. Bien avant qu’elle explicite son lien avec l’Alsace et le monde juif dans les deux pans de son enquête sur le judaïsme strasbourgeois, elle a fait ponctuellement référence à sa tante, ses parents, ses grands-pères colporteurs, sa famille alsacienne, ses vacances à Mulhouse.
Tout se passe donc comme si le travail radiophonique de Nicole-Lise Bernheim avait anticipé l’évolution des Nuits magnétiques, vers l’exposition de soi du producteur et l’usage d’un je autobiographique assumé, évolution qu’on situe quelquefois dans les années 1990 [19] et attribue à l’influence de Colette Fellous.
Une dernière caractéristique du travail radiophonique de Nicole-Lise Bernheim est le recours systématique aux questions, non pour arriver à des réponses mais pour développer un thème. Ses interviews se situent à la pointe extrême de l’entretien non directif, puisqu’elle aborde ses interlocuteurs avec des questions très vastes, du type « Qu’est-ce que pour toi qu’être un homme ?» On est dans un empan très large, laissant toute liberté quant au domaine de réponse. Même chose avec le train, avec le ressenti de maigreur ou grosseur, l’écoute d’une cloche, le lieu où on vit.
Le questionnement est pour elle une démarche heuristique. Dans de nombreuses émissions, Nicole-Lise Bernheim (capable à d’autres moments d’avoir une parole pleinement assumée) se tait et donne toute la place à ses interlocuteurs, les laissant seuls face au trouble d’une question pouvant être comprise de différentes façons. Dans « L’espace des hommes », cette démarche lui permet de recevoir d’une part des réponses stéréotypées mais révélatrices de préjugés, comme « être un homme, c’est être grand, c’est être fort, c’est être marié, c’est être responsable », mais aussi des confidences très intimes et une parole libérée des tabous puisque les hommes en viennent à parler de choses comme l’expérience de l’érection, la bisexualité, la transsexualité, le viol.
Le lien est évident entre cette posture d’intervieweuse et celle d’un psychanalyste, qui se tait pour laisser toute sa place à la parole de l’analysant. Nicole-Lise Bernheim (qui s’est elle-même soumise à l’expérience de la psychanalyse) sait se taire pour qu’émerge de façon libre la parole de ceux qu’elle questionne. Cette démarche lui permet d’explorer un sujet et d’en dire plus que si elle avait recours à des questions frontales. Elle éclaire, sans arriver à des certitudes. A aucun moment elle ne tente de déconstruire les préjugés des hommes qu’elle interviewe. Son but n’étant pas la réponse juste mais le déploiement d’une parole qui informe sur une question.
5. La Cloche de 10 heures
De même qu’on trouvait à l’origine de l’écriture et du travail radiophonique de Nicole-Lise Bernheim l’expérience de la participation au tournage d’India Song, une enquête réalisée à Strasbourg croise une dernière fois les deux fils de son activité d’écrivaine et de femme de radio. Elle produit (avec William Ducan) le 2 juillet 2000 un documentaire pour États de faits, intitulé : « La cloche des Juifs, réalité ou fantasme ? » Pour réaliser celui-ci elle a séjourné trois jours à Strasbourg et enquêté sur une sonnerie de cloche qui retentit tous les jours depuis la cathédrale dix minutes après le carillon de 10 heures. Étonnamment les Strasbourgeois pensent que cette cloche a pour origine le fait d’établir un couvre-feu et de demander aux Juifs de quitter la ville où autrefois ils n’étaient admis que durant la journée pour des activités marchandes. L’enquête révèle une confusion entre la cloche de 10 heures et une corne qui a été effectivement utilisée comme signal pour autoriser les Juifs à entrer dans la ville ou leur demander d’en sortir, mais dont l’usage a été aboli au moment de la Révolution française. L’objet du reportage est ensuite élargi au judaïsme strasbourgeois : description du quartier juif, préjugés antisémites et souvenir encore vivant d’un massacre au XIVe siècle des Juifs rendus suspects par le fait qu’ils n’étaient pas morts dans les mêmes proportions que le reste de la population lors d’une épidémie de peste. Nicole-Lise Bernheim associe, comme dans toutes ses émissions la parole d’experts à celle des anonymes, donne longuement et à plusieurs reprises à entendre le mystérieux carillon et ne dissimule à aucun moment sa propre identité de Juive d’origine alsacienne et sa proximité émotionnelle avec les questions abordées.
Deux ans après la diffusion de ce reportage et un an avant son décès, elle publie son dernier livre La cloche de 10 heures. Radiographie d’une rumeur [20]. Elle dit avoir été troublée par le caractère désagréable de la riche matière découverte lors du reportage pour France Culture :
Pendant les entretiens, le preneur de son, le chargé de réalisation et moi-même avions ressenti une impression identique de désarroi […] Au fur et à mesure des discussions pendant la réalisation de l’émission, le malaise a grandi en moi et aussi l’impression désagréable d’avoir impoliment évoqué un sujet tabou [21].
Après un premier temps où elle a été, comme elle l’écrit, « heureuse » et « soulagée » de quitter Strasbourg, elle est revenue y séjourner à deux reprises afin de reprendre et approfondir son enquête. Dans le titre du livre, la mention « cloche des Juifs » a disparu et ne figure plus que la désignation « cloche de 10 heures », ne véhiculant aucun préjugé antisémite. L’essai publié ressemble par sa forme chorale à une enquête radiophonique, car la parole y est donnée successivement à des habitants de Strasbourg, des historiens, des prêtres, des spécialistes du judaïsme, etc. On retrouve parmi ceux-ci la totalité de ceux qui avaient été interviewés pour l’émission de France Culture, dans un ordre rappelant celui du reportage radiophonique. Le nombre de témoignages et de points de vue savants à la fois sur la sonnerie de la cloche et le judaïsme strasbourgeois a beaucoup augmenté. Si le texte publié n’apporte rien de fondamentalement neuf quant au noyau de l’enquête (la confusion entre la sonnerie de cloche à 10 heures et l’usage plus ancien d’un cor), il amplifie la réflexion sur l’antisémitisme, intégrant un point de vue sur d’autres formes de racismes, donnant par exemple la parole à un Turc. Afin de conserver le lien avec l’origine radiophonique du travail, quelques lignes intitulées « Micro-trottoir » sont insérées au bas de certaines pages, consistant toujours en la question « La cloche de 10 heures, c’est quoi pour vous ? » suivie d’une réponse brève.
Ce qui est nouveau ici est le fait que viennent s’intercaler dans ces paroles d’origine diverses, une sorte de « carnet de voyage » tenu par l’auteur lors de la reprise de son enquête. Dans celui-ci, on trouve non seulement un compte-rendu de rencontres et de déplacements mais aussi la formulation d’émotions ayant accompagné cette enquête et des passages autobiographiques où émergent des souvenirs d’enfance et la revendication plus explicite encore que précédemment d’une « origine juive ». C’est ainsi qu’elle raconte avoir accompli avec sa mère et son oncle un rituel de souvenir sur des tombes de la famille, visité l’appartement d’un autre oncle et revécu de façon empathique l’exclusion et l’errance qui ont été celles de ses ancêtres. Tout se passe comme si cette enquête sur son origine venait prendre la place des récits de voyage dans des pays lointains, suggérant qu’il s’agit profondément de la même démarche et d’un travail au centre duquel se trouve un questionnement sur l’altérité. Elle mentionne dans l’émission radiophonique, comme dans le livre, l’idée selon laquelle les Juifs sont des signifiants de l’altérité.
Si la thématique de la différence et donc de l’altérité peut apparaître comme le moteur du parcours esthétique et idéologique d’Anne-Lise Bernheim, cela s’articule, du point de vue du mode d’expression choisi, avec un refus radical des certitudes, qu’on peut associer au désir assumé d’en rester au questionnement. Dans un entretien qui sert d’introduction à « L’espace des hommes [22] », Alain Veinstein lui a demandé comment elle abordait la question de la masculinité : « Avec un regard hostile ou un regard critique ? » Elle a répondu : « Un regard bienveillant, parfois agressif, parfois agacé… critique non… c’est un regard si je puis dire questionneur. » On peut penser que cette dernière formulation, qui associe l’idée de la vision – présente de façon précoce dans son intérêt pour le théâtre et le cinéma – à celle du choix de la posture de l’interrogation, formule et résume les raisons de son choix de la radio de création comme mode d’expression privilégié.
Notes
[1] Les informations données çà et là par Nicole-Lise Bernheim sur sa famille permettent de savoir que celle-ci est d’origine alsacienne et juive. Ils se sont réfugiés en Dordogne pendant la seconde guerre mondiale. Le père a été déporté, est revenu du camp de Sachsenhausen mais est mort jeune. Nicole-Lise Bernheim est allée à l’école à Figeac, puis a habité à Paris. Elle était très attachée à sa tante qui habitait à Mulhouse, chez qui elle a résidé quelques années et qu’elle allait voir en vacances. Elle mentionne souvent le fait que ses deux grands-pères étaient colporteurs, métier modeste, souvent exercé par des Juifs. Elle cite également le fait qu’elle a grandi avec un secret de famille sur la naissance de sa mère, non reconnue par son père.
[2] V. mon article « L’écriture radiophonique de Marguerite Duras : le sens exact de la théâtralité », dans Aventures radiophoniques du Nouveau Roman, Pierre-Marie Héron, Françoise Joly, Annie Pibarot (dir.), Rennes, PUR, 2017, p. 89-100.
[3] Marguerite Duras, Le Ravissement de la parole, disque III, extrait n°6.
[4] Nicole-Lise Bernheim, Marguerite Duras tourne un film, Paris, Albatros, p.78.
[5] Ibid., p.77.
[6] Figurante dans Mon cœur est rouge de Michèle Rosier (1977), L’homme fragile de Claire Clouzot (1981), Les Nanas de Annick Lanoë (1984). Scénariste (posthume) avec Helma Sanders-Brahms et Colo Tavernier, du film Clara sur Clara Schuman de Helma Sander-Brahms, sorti en 2009.
[7] Lors de l’émission « Hors-texte : Nicole-Lise Bernhein », France Culture, 26 avril 1984.
[8] « La cloche des Juifs, réalité ou fantasme », État de faits, France Culture, 2 juillet 2000.
[9] « En 1982, à Mulhouse, tante Suzanne meurt. Avec l’argent qu’elle me lègue, je décide de connaître un peu mieux la planète » (Nicole-Lise Bernheim, Saisons japonaises, Paris, Payot & Rivages, 1999, Petite bibliothèque Payot, p.11).
[10] Nicole-Lise Bernheim, Chambres d’ailleurs, Paris, Arléa, 1986, réédition Payot & Rivages, Petite bibliothèque Payot /Voyageurs, 1999, p. 124 et 125.
[11] Agora, France Culture, 19 juin 1980, 24 min., producteur Gilles Lapouge, intervenante Nicole-Lise Bernheim.
[12] V. Françoise Marrou-Flamant, À tire d’elles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, p. 41 & Collectif Musidora, Paroles… elles tournent !, éditions des femmes, 1979. L’association a rassemblé : Françoise Flamant, Nicole-Lise Bernheim, Dana Sardet, Claire Clouzot, Claudine Serre.
[13] Elle a contribué à la préface du livre d’Alice Guy, Autobiographie d’une pionnière du cinéma 1873-1968 : Alice Guy, Paris, Denoël-Gonthier, 1976.
[14] Surpris par la nuit, 6 mai 2003.
[15] Diffusée le 26 avril 1984.
[16] Diffusée le 19 avril 1986.
[17] Diffusée le 18 décembre 1988.
[18] L’Anniversaire de l’infante, diffusée le 14 janvier 1990.
[19] V. Clara Lacombe, Nuits magnétiques, la radio libre du service public, 1978-1999, mémoire de master 2, session 2016, sous la direction de Pascal Ory, Université Paris 1, version en ligne sur le site Archives ouvertes HAL, p. 170.
[20] Nicole-Lise Bernheim, La Cloche de 10 heure. Radiographie d’une rumeur, Strasbourg, éditions de la Nuée Bleue, 2002.
[21] Ibid., p. 7.
[22] Diffusé pour la première fois le 8 mai 1978.
Autrice
Annie Pibarot est maître de conférences honoraire de l’Université de Montpellier. Membre de l’équipe RIRRA21, elle a publié deux livres et des contributions à des revues et ouvrages collectifs autour des questions de l’autobiographie, l’autofiction et la littérature de l’extrême contemporain. On lui doit plusieurs articles sur l’œuvre ou l’activité radiophonique de Claude Ollier et Marguerite Duras. Elle a co-édité en 2017, avec Pierre-Marie Héron et François Joly l’ouvrage Aventures radiophoniques du Nouveau Roman, Presses universitaires de Rennes, « Interférences », 276 p.
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